Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Transmission à une association professionnelle de liste des personnes autorisées à faire du courtage d'immeubles

Protection des données

Une association de professionnels de l'immobilier peut-elle obtenir la liste des personnes autorisées à exercer le commerce et le courtage immobiliers ?

Avis du préposé du 10 juillet 2001

Préambule

Un conseiller d'Etat demande si la transmission de liste de personnes autorisées à exercer professionnellement le commerce et le courtage en matière immobilière dans le canton est possible.

A teneur de l'article 28 lettre a de la loi sur la politique du commerce du 30 septembre 1991 (RSN 941.01), une autorisation de l'autorité désignée par le Conseil d'Etat est nécessaire pour exercer professionnellement le commerce et le courtage en matière immobilière. Ce régime d'autorisation s'applique également aux commerces ambulants ou temporaires, aux commerces d'occasions, à l'exercice professionnel d'une activité de mandataire visant à la conclusion d'un mariage ou à l'établissement d'un partenariat, lorsqu'elle concerne des personnes de l'étranger ou s'y rendant, à l'exploitation d'une agence privée de détective d'investigations, etc…

Jusqu'à cette loi, le commerce et le courtage en matière immobilière n'étaient pas soumis à autorisation. La commission police du commerce a expliqué, dans son rapport au Grand Conseil du 14 juin 1991 (bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, 1991-1992, Tome II, p. 836), qu'elle soumettait ses activités au régime de l'autorisation car il s'agit de "professions impliquant certains risques pour les clients; il a paru judicieux d'en soumettre l'autorisation à certaines qualités morales du demandeur". 

Lors de la séance du Grand Conseil du 30 septembre 1991, un Conseiller d'Etat répondait à un député, qui proposait que l'autorisation ne soit pas octroyée pour une durée de 4 ans mais pour une durée indéterminée, que : "il est d'intérêt public de suivre l'évolution de ces commerces et leur exercice, et il nous apparaît qu'il est, cas échéant, plus facile de renouveler une autorisation plutôt que de la retirer s'il devait s'avérer que les conditions nécessaires pour que l'exercice de cette profession puisse se faire sans dommage pour la collectivité n'étaient plus remplies" (bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, 1991-1992, Tome II, p. 886).

Avis quant à la protection des données

Dans sa requête du 10 février 2000, l'UNPI demande, en application de la loi cantonale sur la protection des données, la liste des personnes autorisées à faire du courtage d'immeuble dans le canton au sens de l'article 28 de la loi sur la police du commerce. UNPI invoque qu'il semblerait que certains courtiers peuvent exercer sans autorisation alors que l'Etat exigerait d'autres qu'ils demandent l'autorisation exigée par la loi sur la police du commerce; l'association "serait intéressée à y voir plus clair et à faire en sorte que le principe de l'égalité de traitement soit respecté entre les personnes d'une même profession".

La "loi cantonale sur la protection des données" invoquée par UNPI dans sa requête du 10 février 2000 n'existe pas. Il y a bien une loi fédérale sur la protection des données, mais la loi cantonale est intitulée "loi sur la protection de la personnalité (RSN 150.30).

A teneur de son article 2 alinéa 1, cette loi a pour but de protéger les personnes physiques ou morales contre la détention ou l'emploi abusifs des données les concernant. Dans son rapport au Grand Conseil, daté du 3 novembre 1982, le Conseil d'Etat relevait que "la législation sur la protection des données doit empêcher que l'individu soit réduit au rôle d'instrument de l'informatique; à cet effet, il faut qu'il puisse avoir connaissance des informations enregistrées à son sujet, de leur contenu, du but pour lequel elles sont recueillies et qui peut les utiliser; il s'agit de conjurer les dangers que peuvent présenter les dossiers de l'informatique pour la liberté personnelle du citoyen."

La loi sur la protection des données ne peut par conséquent pas être invoquée pour exiger de l'Etat qu'il transmette des données concernant des tiers.

La requête de l'UNPI correspond à une demande tendant à la remise d'une liste occasionnelle au sens de l'article 23 du Règlement d'exécution de la LCPP (RSN 151.31). Dans la mesure où la demande concerne le canton, le Conseil d'Etat est compétent pour statuer. La liste occasionnelle de données peut ainsi être transmise à la condition que (art. 23 alinéa 1 du Règlement d'exécution de la LCPP) :

  • seuls les nom, prénom, adresse, date de naissance, sexe et profession soient communiqués;

  • le requérant justifie d'un intérêt digne de protection et utilise les données transmises dans un but idéal; 

  • les intérêts des personnes concernées ne doivent pas être mis en danger.

Finalement, les demandes soumises au Conseil d'Etat sont transmises pour préavis aux communes, à la personne ou à l'institution soumise à la loi dont relève le fichier concerné (art. 23 alinéa 3 du Règlement d'exécution de la LCPP).

C'est donc au Conseil d'Etat d'examiner si la requête du l'UNPI doit être acceptée ou rejetée, selon les critères posés par l'article 23 du Règlement d'exécution de la LCPP. Il m'apparaît quant à moi : 

  • les données réclamées par l'UNPI correspondent à celles que l'on peut transmettre;

  • l'UNPI demande cette liste afin d'examiner l'application de l'article 28 lettre a de la loi sur la police du commerce et, notamment, de déterminer si certaines personnes exercent professionnellement dans le canton le commerce et le courtage en matière immobilière sans être au bénéfice de l'autorisation exigée par la loi. Cette intérêt ne paraît pas contraire à ce que prévoit l'article 23 lettre b du Règlement d'exécution de la LCPP;

  • comme cela a été relevé ci-dessus, le régime de l'autorisation prévue par la loi sur la police du commerce a pour but de protéger les clients pour des professions appliquant certains risques. Or, ce but implique que l'octroi d'une autorisation ne reste pas secret afin que le client puisse le cas échéant savoir si le commerçant avec lequel il fait affaire est ou non autorisé à exercer sa profession. C'est ainsi que l'on retrouve notamment dans l'annuaire officiel la liste des avocats inscrits dans le fichier du barreau, des notaires, des médecins, des pharmaciens, des dentistes et bien d'autres. Dès lors, il n'apparaît pas que les intérêts des personnes concernées soient mis en danger.

En ces conditions, il me semble que la transmission à l'UNPI des informations qu'elle réclame ne violerait pas la LCPP et son Règlement d'exécution.

Avis quant à la transparence

Selon l'article 18 de la nouvelle constitution cantonale, toute personne a le droit de consulter des documents officiels, dans la mesure où aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. La loi règle se droit à l'information. La commission "constitution" a précisé dans son rapport au Grand Conseil du 22 novembre 1999, que les autorités seront tenues de fournir à toute personne, sur demande, des informations déterminées et de l'autoriser à consulter des documents officiels, pour autant qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'oppose à la consultation; la personne requérante n'aurait de plus pas à fournir la preuve d'un quelconque intérêt légitime.

Certes, il s'agit-là d'une réglementation future qui devra de plus être "traduite" dans une loi. Il s'agit néanmoins de garder à l'esprit cette volonté du constituant.

En l'espèce, il ne paraît pas qu'un intérêt public ou privé prépondérant s'opposerait à ce qu'un particulier consulte les documents officiels contenant la liste des personnes qui ont reçu de l'Etat l'autorisation d'exercer professionnellement le commerce et le courtage en matière immobilière. Il est dès lors fort vraisemblable que dans un avenir plus ou moins proche, l'UNPI pourra exiger d'avoir accès à ces données, sur la base de son droit à l'information prévue dans la constitution cantonale.

Conclusions

Il appartient au Conseil d'Etat de décider s'il entend remettre à l'UNPI les informations qu'elle réclame. La LCPP ne le contraint pas à fournir ces informations; de même, la LCPP ne l'empêche pas de les transmettre. La procédure de transmission des données est réglée par l'article 23 du Règlement d'exécution de la LCPP.

La nouvelle constitution cantonale prévoit un droit à l'information. Ce droit, qui n'est à ce jour pas encore concrétiser, permettra à l'UNPI d'exiger les informations qu'elle requiert.

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