Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Récolte de données personnelles liées à la santé non génétiques à des fins de recherche sur l'être humain (2018.2152)

Protection des données

À quelles conditions une entité peut-elle récolter des données personnelles liées à la santé non génétiques à des fins de recherche sur l'être humain ?

Avis 2018.2152 du PPDT publié le 2 mai 2018

L'utilisation d'un modèle de consentement général pour la récolte de données personnelles liées à la santé non génétiques à des fins de recherche sur l'être humain nécessite au moins la prise en considération des précautions exposées en fin de page. Faute de quoi les règles sur la protection des données et du secret médical sont susceptibles d'être violées.

Des entités traitant des données personnelles relatives à la santé, telles que HNE ou HJU, sont susceptibles de récolter des données de santé à des fins de recherche sur l'être humain.

Selon l'article 16 CPDT-JUNE auquel sont soumises ces entités, un traitement de données sensibles ne peut se faire que si une base légale formelle (adoptée par un organe législatif) le prévoit. Conformément à la jurisprudence :

Une atteinte grave portée à une liberté constitutionnelle exige en principe une base légale formelle, claire et non équivoque alors que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d'une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi ou trouver leur fondement dans une clause générale (arrêt du TAF B-7126/2008 du 20.07.2010, consid. 7.1).

Au surplus, l'adaptation en cours du droit cantonal à l'évolution du droit de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe conduira à l'introduction d'une disposition formulant clairement, sans équivoque, cette exigence.

La Loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain (LRH, RS 810.30) et ses ordonnances, plus particulièrement l'Ordonnance relative à la recherche sur l'être humain à l'exception des essais cliniques (ORH, 810.301), règlent les modalités d'un certain nombre de traitements de données afin de protéger la dignité, la personnalité et la santé de l'être humain dans le cadre de la recherche (art. 1 LRH). En ce qui concerne les données personnelles liées à la santé, elles ne s'appliquent qu'aux recherches sur les maladies humaines et sur la structure et le fonctionnement du corps humain. Elles ne s'appliquent pas aux biobanques, comme le relève le message du Conseil fédéral (FF 7259 7299). Néanmoins, les articles 43 LRH et 5 ORH exigent que quiconque conserve du matériel biologique ou des données personnelles liées à la santé à des fins de recherche doit les protéger de toute utilisation illégale, par le biais de mesures techniques et organisationnelles appropriées ainsi que remplir les exigences techniques liées aux conditions d’exploitation.

Le chapitre 2 de la LRH traite de la récolte :

Les dispositions sont applicables dans les cas où l’on prélève du matériel biologique sur une personne ou que l’on recueille des données à son sujet en vue d’une conservation à des fins de recherche autres qu’un projet de recherche concret. […]

L’information est considérée comme suffisante si elle comprend tous les aspects importants permettant de prendre une décision pondérée. L’information doit être formulée de manière compréhensible, dans une langue couramment parlée par la personne concernée et adaptée, sur le plan des détails, à une personne qui ne dispose pas de connaissances médicales particulières. (FF 7259 7317 ss).

L'article 16 LRH définit les exigences pour l'obtention d'un consentement éclairé. Ce dernier doit être donné par écrit, bénéficier d'un délai de réflexion raisonnable et la personne concernée doit recevoir un certain nombre d'informations (voir aussi art. 8 ORH).

Dans le cadre de l’information, la personne concernée reçoit tous les éléments dont elle a besoin pour décider librement et en toute connaissance de cause si elle entend participer ou non à un projet de recherche. L’information est considérée comme suffisante si elle comprend tous les aspects importants permettant de prendre une décision pondérée. L’information doit être formulée de manière compréhensible, dans une langue couramment parlée par la personne concernée et adaptée, sur le plan des détails, à une personne qui ne dispose pas de connaissances médicales particulières.

En principe, le consentement doit être formulé par écrit. Si la personne concernée, en raison d’une incapacité physique, n’est pas en mesure d’apposer sa signature, une autre forme de consignation peut être privilégiée. Un consentement oral est notamment envisageable s’il est prononcé en présence d’au moins un témoin qui le confirme ensuite par écrit. (FF 7259 7321).

L'article 17 LRH prévoit que si lors de la collecte de données personnelles liées à la santé, leur réutilisation est envisagée à des fins de recherche, le consentement de la personne concernée doit être recueilli dès ce moment-là et la personne concernée doit être informée qu'elle a le droit de s'y opposer. A ce propos, le message du Conseil fédéral relève que :

Cette manière de procéder permet d’éviter d’avoir, ultérieurement, à contacter une nouvelle fois une personne en vue d’obtenir son consentement, ce qui peut arranger à la fois les chercheurs et les personnes participant à un projet de recherche. La réutilisation s’accompagne souvent d’une révélation du secret professionnel. Il convient de préciser dans ce contexte que pour toute demande de consentement au prélèvement de matériel biologique ou à la collecte de données personnelles, il faudrait solliciter en même temps l’autorisation de révéler ce secret (voir art. 321, al. 2, CP). Le terme «envisage» indique clairement qu’une réutilisation est effectivement planifiée ou qu’elle est très vraisemblable (FF 7259 7322).

L'article 8 ORH précise que si une réutilisation du matériel biologique prélevé ou des données personnelles liées à la santé collectées est prévue pour la recherche, les informations figurant aux articles 28 à 32 ORH doivent en plus être fournies à la personne concernée (Rapport explicatif sur les ordonnances découlant de la loi relative à la recherche sur l’être humain, p. 18).

Le chapitre 4 de la LRH traite de la réutilisation :

C’est-à-dire la deuxième utilisation et éventuellement d’autres encore liées à la recherche, du matériel biologique et de données personnelles, génétiques et non génétiques, liées à la santé. Il s’agit de matériel et de données personnelles recueillis ou prélevés au préalable dans le cadre d’un traitement, p. ex, à des fins de diagnostic ou dans le cadre d’un projet de recherche. En ce qui concerne la recherche couverte par le champ d’application de la présente loi, les dispositions y figurant ont la priorité sur les règles générales en matière de protection des données pour la réutilisation de données à des fins de recherche […]. Cette réutilisation peut survenir dans le cadre d’un projet de recherche concret ou, de façon générale, à des fins de recherche. On parle de réutilisation à des fins de recherche lorsqu’il est prévu non pas de mener (ou de ne pas mener seulement) un projet concret mais de réaliser des projets de recherche encore inconnus et de conserver du matériel biologique et des données à cette fin. La réutilisation de matériel biologique et de données génétiques, d’une part, et la réutilisation de données personnelles non génétiques liées à la santé, d’autre part, sont réglées de manière différente […]. Le prélèvement de matériel biologique et la collecte de données personnelles liées à la santé sont traités au chap. 2. Le caractère licite d’une réutilisation dans ce chapitre est lié en général au consentement éclairé ou à l’absence d’opposition une fois l’information donnée. Il est recommandé dans ce contexte de donner les explications ou les informations appropriées dès le prélèvement du matériel biologique ou la collecte des données personnelles liées à la santé (cf. art. 17). Enfin, la réutilisation pour la recherche de matériel biologique ou de données personnelles liées à la santé va souvent de pair avec une révélation du secret professionnel (cf. art. 321 et 321bis CP). Il convient de préciser dans ce contexte que pour toute demande de consentement ou information sur le droit d’opposition à la réutilisation de matériel biologique ou de données personnelles, il faudrait solliciter en même temps l’autorisation de la personne concernée de révéler ce secret. (FF 7259 7336).

L'article 33 al. 2 LRH précise que les données personnelles non génétiques liées à la santé peuvent être réutilisées à des fins de recherche sous une forme codée lorsque la personne concernée ou, le cas échéant, son représentant légal ou ses proches ne s’y sont pas opposés après avoir été informés. Le message y relatif précise que :

Lorsque des données personnelles non génétiques liées à la santé sont réutilisées sous forme codée à des fins de recherche, il convient d’en informer la personne concernée au préalable. En l’espèce, aucun consentement explicite n’est requis, sauf à respecter le droit d’opposition. Les données peuvent être intégrées à des projets de recherche dès lors que la personne concernée, son représentant légal ou ses proches ont été informés de la réutilisation envisagée et de leur droit à y faire opposition. Il est possible là encore que cette exigence minimale soit doublée d’un consentement explicite (FF 7259 7337).

Pour la réutilisation envisagée de données personnelles non génétiques liées à la santé à des fins de recherche sous une forme codée, l'article 32 ORH mentionne que les informations qui doivent être fournies à la personne concernée par écrit ou par oral sont :

a.

la réutilisation envisagée des données personnelles non génétiques codées liées à la santé à des fins de recherche;

b.

le droit qu'elle a de s'y opposer;

c.

les mesures destinées à assurer la protection des données personnelles, notamment la gestion du code;

d.

la possibilité de transmettre des données personnelles à des tiers à des fins de recherche.

Enfin, l'article 7 al. 2 LRH prévoit que la personne concernée peut en tout temps refuser de participer à un projet de recherche ou révoquer son consentement sans avoir à justifier sa décision.

Le message du Conseil fédéral précise que :

Toute personne qui participe à un projet de recherche peut révoquer son consentement en tout temps, sans avoir à observer une procédure particulière ni à justifier sa décision (al. 3). Lorsqu’une personne décide de faire usage de ce droit, elle doit être avertie des conséquences qui en découlent. Elle doit, par exemple, être informée de la manière la moins dommageable possible de suspendre la prise d’un médicament prescrit dans le cadre d’un projet de recherche et sur les éventuels effets d’un arrêt brutal de la médication. De cette manière, les risques et les contraintes pouvant résulter d’une révocation sont maintenus au strict minimum. Dans ce cas, le matériel biologique ou les données liées à la santé prélevés avant la révocation du consentement peuvent être utilisés pour le projet de recherche. A défaut, il pourrait être impossible de poursuivre les travaux, surtout lors d’études sur des groupes très restreints – ce qui serait disproportionné. Dans le cadre de l’information générale (art. 16), il convient d’informer la personne en question que le matériel et les données continueraient d’être utilisés (FF 7259 7314).

Pour faciliter et harmoniser l'obtention de données personnelles liées à la santé par l'ensemble des hôpitaux suisse, l'Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) a établi et proposé un modèle de consentement général (version 1/2017).

Celui-ci relève qu'il suffit d'une absence d'opposition pour l'utilisation des données non-génétiques (p. ex. âge, sexe) sous forme codée et à l'anonymisation des échantillons. On notera toutefois que le formulaire ne prévoit pas la possibilité d’exprimer son opposition directement dans ledit formulaire. La personne concernée est invitée à s’adresser à son médecin traitant ou à une personne responsable dont le nom devrait être indiqué dans le formulaire. Autrement dit, il s'agit d'un processus d'opt-out et non pas d'opt-in, comme avec un consentement ordinaire.

Il est précisé que les données récoltées seront conservées dans une biobanque et il est renvoyé à des sites internet pour le surplus. Le renvoi pointe sur un site exclusivement en anglais.

De plus, il est garanti que les données récoltées ne seront codées ou anonymisées qu'avant leur mise à disposition à des fins de recherche, sans être plus précis. Qu'en est-il entre la récolte effectuée dans le cadre du traitement et la mise à disposition à des fins de recherche ? Si on prend l'exemple de la Biobanque Institutionnelle de Lausanne (BIL), il ne ressort pas explicitement des informations accessibles sur son site internet, sans que cela soit explicite, que les données personnelles liées à la santé non génétiques sont conservées de manière codées.

Au surplus, il est renvoyé à des règles contractuelles (non transmises à la personne concernée) pour la communication des données entre l'hôpital qui récolte et notamment une biobanque, sans précision supplémentaire, alors qu'a priori elle se fait de manière non codée au vu de ce qui précède.

A propos de l'étendue de l'information aux personnes concernées, il faut relever que selon un article du bulletin de l'ASSM 03/201, 2016 p. 3 :

Il a été délibérément renoncé à fournir dans ce document des explications compliquées, notamment sur le droit d’opposition à la réutilisation des données non génétiques codées ou sur l’anonymisation des échantillons.

Enfin, il est prévu qu'en cas d'opposition a posteriori, les données puissent non seulement continuer d'être utilisées pour les projets en cours, mais également être anonymisées, sauf si dans ce cas il y un refus préalable express. Le formulaire ne prévoyant pas la possibilité d'exprimer son opposition directement, de facto cela signifie qu’un chercheur qui souhaite utiliser de manière anonymisée des données concernant une personne qui n’a pas donné son consentement devrait d’abord s’assurer auprès de son médecin traitant ou de la personne responsable qu’elle n’a pas exercer son droit d’opposition. Cela implique que le chercheur connaisse le médecin traitant (ce qui n’est pas prévu dans le formulaire) ou s’adresse à tous les médecins pour leur demander s’il y en a un qui est le médecin traitant de la personne concernée. Une telle information étant couverte par le secret médical, il faudrait toutefois dans ce cas que ledit médecin demande une levée de son secret soit directement à son patient, soit à l’autorité compétente.

En conclusion, HNE ou HJU sont en droit de récolter des données personnelles liées à la santé non génétiques qui seront codées à des fins de recherche sur l'être humain, dans la mesure où ils respectent la LRH et ses ordonnances et veillent particulièrement aux points suivants :

Si les données liées à la santé non génétiques ne sont pas codées sitôt qu'elles sont conservées en vue d'une recherche sur l'être humain :

  1. Le modèle de consentement général n'est pas suffisant pour récolter de telles données. Dans ce cas, ce sont les articles 33 al. 1 LRH et 31 ORH qui s'appliquent. Il faut un consentement écrit répondant notamment aux exigences de l'article 16 LRH. De plus, comme le mentionne le Message du Conseil fédéral, il est conseillé d'obtenir en parallèle le consentement libre et éclairé, selon les modalités usuelles, pour une levée du secret médical. Inutile de rappeler qu'une violation du secret médical (art. 321 CP) ou des exigences en matière de consentement pour la recherche sur l'être humain est susceptible (art. 62 al. 1 let. b  et 63 al. 1 let. c LRH) d'être poursuivie pénalement.

Si les données sont codées dès leur conservation en vue d'une mise à disposition pour une recherche :

  1. Les informations doivent toutes être accessibles dans une langue couramment parlée par la personne concernée. Le renvoi à un site internet exclusivement en anglais ne répond pas pleinement aux exigences de la LRH.

  2. Il est également contraire au principe de la bonne foi d'exiger une double opposition pour que les données, liées à la santé non génétiques codées, déjà récoltées ne soient pas utilisées sous forme anonyme lorsque la personne concernée s'oppose à l'utilisation de ses données liées à la santé à des fins de recherche sur l'être humain. La motivation de l'opposition n'émane pas forcément d'un souci de protection des données, mais d'un refus de principe de participer à la recherche quelle que soit les modalités de conservation.

  3. Il n'est pas inutile de rappeler que les responsables de traitements "primaires", en l'occurrence les hôpitaux, ne sont en droit de communiquer des données que s'il apparaît a priori que le destinataire respecte les règles de protection des données, l'article 321 CP ou la LRH. Or, en l'occurrence, se pose la question de savoir comment les responsables d'un projet de recherche sur l'être humain vont s'assurer que, lors de la réutilisation des données liées à la santé non génétiques codées, la personne concernée n'a pas fait valoir son droit d'opposition ? Malheureusement, tant la LRH que ses ordonnances ne mentionnent rien à ce sujet, encore moins le modèle de consentement général. Le problème pratique pour déterminer l'absence ou non d'opposition est identique à celui exposé plus haut à propos de l'utilisation de données de manière anonymisée après une opposition. Par conséquent, il appartient aux hôpitaux de s'assurer qu'une vérification préalable d'absence d'opposition sera faite dans le respect des règles de protection des données, de l'article 321 CP et de la LRH, avant la réutilisation des données liées à la santé non génétiques pour effectuer une recherche sur l'être humain.

Enfin, que les données soient codées ou non, le modèle précité n'indique pas suffisamment le mécanisme de consentement en cascade qu'il prévoit pour le traitement des données génétiques et non génétiques, contrairement à ce qu'exige le respect du principe de la bonne foi. En d'autres termes, le patient non rompu à ce genre de formulaire (plus ou moins 6 pages) se rend-t-il vraiment compte qu'en refusant d'accepter de livrer ses données personnelles liées à la santé génétiques, il accepte par défaut l'utilisation de ses données personnelles liées à la santé non-génétiques et qu'il doit faire une démarche supplémentaire pour s'y opposer ? Certes, il est mentionné:

"Dans ce cas vos données non-génétiques peuvent être utilisées sous forme codée à des fins de recherche. Si vous vous opposez à une telle utilisation, merci de vous adresser au contact figurant ci-après."

Néanmoins, il est douteux qu'une personne, de surcroît malade, voire nettement plus préoccupée par sa santé que par un formulaire d'environ 6 pages, ne souhaitant pas que ses données personnelles liées à la santé soient traitées en dehors du strict cadre de son traitement, réalise qu'elle doive en plus manifester son opposition auprès d'une tierce personne pour éviter que ses données personnelles liées à la santé non génétiques soient utilisées à des fins de recherche sur l'être humain, alors que le titre du formulaire est :

Demande d'utilisation de vos données et échantillons biologiques pour la recherche médicale

En effet, pour le commun des mortels, les données biologiques ne comprennent a priori pas les données personnelles liées à la santé non génétiques.

Par ailleurs, bien que cet avis se concentre sur les données personnelles liées à la santé non génétiques, relevons que l'absence du terme "génétique" dans le titre est curieuse.

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