Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Enregistrement des enseignants par des élèves/étudiants (2019.3040)

Protection des données

L’enregistrement des enseignants à leur insu constitue-t-il une infraction pénale ?

Avis du PPDT 2019.3040 mis à jour le 20 février 2020

L’enregistrement des enseignants à leur insu devrait en principe constituer une infraction au sens du Code pénal suisse (CPS), s'il s'agit d'un entretien, d'une conversation, et pas d'un discours ou d'un monologue. Il devrait également en être de même selon la Loi fédérale sur la protection des données (LPD). Dans les deux cas la poursuite ne s’ouvre que sur plainte des enseignants concernés.

Les articles 179bis CPS et 179ter CPS, condamnent l'enregistrement de conversations non publiques. Plus précisément, le premier prévoit :

1Celui qui, sans le consentement de tous les participants, aura écouté à l’aide d’un appareil d’écoute ou enregistré sur un porteur de son une conversation non publique entre d’autres personnes,

2celui qui aura tiré profit ou donné connaissance à un tiers d’un fait qu’il savait ou devait présumer être parvenu à sa propre connaissance au moyen d’une infraction visée à l’al. 1,

3celui qui aura conservé ou rendu accessible à un tiers un enregistrement qu’il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d’une infraction visée à l’al. 1,

4sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Quant au second, il prévoit :

1Celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part,

2celui qui aura conservé un enregistrement qu’il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d’une infraction visée à l’al. 1, ou en aura tiré profit, ou l’aura rendu accessible à un tiers,

2sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.

A relever que, par conversation, on entend un entretien oral, un échange de propos, qui peut porter sur une information ou une pensée. Selon le sens des mots, un discours ou un monologue ne correspondent pas à cette définition. Par conséquent, si l’enregistrement ne contient pas d’échanges entre l’enseignant et les élèves, l’infraction n’est pas réalisée.

Depuis le virement de jurisprudence du Tribunal fédéral à propos de l'interprétation des articles précités, intervenu le 7 février 2020, l'enregistrement des propos des enseignants sans leur consentement (hormis discours et monologue)  devrait constituer une infraction pénale poursuivie sur plainte de l'enseignant concerné.

Selon le Tribunal fédéral, la notion "non public" doit désormais être comprise ainsi :

En conclusion, l'analyse qui précède commande d'abandonner l'interprétation restrictive retenue dans l'arrêt publié aux ATF 108 IV 161 [...] Aussi, on retiendra désormais que pour déterminer si une conversation est " non publique " au sens des art. 179bis et 179ter CP, il faut examiner, au regard de l'ensemble des circonstances, dans quelle mesure elle pouvait et devait être entendue par des tiers. La conversation n'est pas publique lorsque ses participants s'entretiennent dans l'attente légitime que leurs propos ne soient pas accessibles à tout un chacun. La nature de la conversation peut constituer un indice à cet égard, mais n'est pas seule décisive. Cette solution permet ainsi de protéger l'individu contre la diffusion de ses propos en-dehors du cercle des personnes avec lequel il a choisi de partager ses opinions, peu importe en quelle qualité il s'est exprimé. (arrêt 6B_943/2019 du 7 février 2020, consid. 3.6).

Parallèlement, l'enregistrement des propos des enseignants (quelle que soit leur nature) peut constituer une infraction au sens de la LPD. Contrairement aux enseignants, les élèves/étudiants sont soumis à cette dernière. L’article 54 LPD (en vigueur en principe à partir de 2021) prévoit que sont, sur plainte, punies d’une amende de 250 000 francs au plus les personnes privées qui violent leur devoir d’information lors de la collecte de données personnelles. Plus concrètement, tout un chacun se doit d’informer l'enseignant lorsqu’il procède à l'enregistrement de ses propos sans l'avertir préalablement, faute de quoi il pourra être poursuivi sur plainte.

Les sanctions administratives scolaires pourraient aussi entrer en jeu.

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