Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Récoltes de données par les services des contributions (2013.0508)

Protection des données

À quelles conditions les administrations fiscales cantonales peuvent-elles s'adresser directement auprès de tiers ou d’entités pour obtenir des informations sur un contribuable ?

Avis du PPDT 2013.508 publié le 3 juillet 2013, mis à jour 6 juin 2016

La récolte d’informations par les administrations fiscales auprès de tiers ou d’entités publiques peut parfois se heurter notamment à la protection de la confidentialité des données des contribuables et au secret de fonction. Les administrations fiscales ne peuvent qu'à certaines conditions récolter des données directement auprès d'autres entités ou de tiers lorsqu'elles désirent un complément d'information sur un contribuable.

Préalablement à la procédure de taxation ordinaire, ont lieu les travaux préparatoires. Ils consistent notamment en la tenue du registre des contribuables (art. 122 LIFD). Ce registre comprend en principe tous les contribuables présumés assujettis à l’impôt selon un critère de rattachement personnel ou économique. L’article 122 al. 2 LIFD impose aux autorités compétentes des cantons et des communes de communiquer tous renseignements utiles qui ressortent de leur registre de contrôle. Il faut comprendre par là aussi bien les administrations fiscales des communes envers le canton que celles d’autres cantons, ou que d’autres services des cantons et des communes [1] . Lesdits renseignements sont, par exemple, « les extraits provenant des dossiers des impôts sur les successions, les donations et les gains de fortune, ainsi que les extraits du registre du commerce et du registre foncier » [2] .

La procédure de taxation ordinaire proprement dite se subdivise en deux étapes consécutives :

La première étape consiste en le dépôt de la déclaration d’impôt, c’est-à-dire la détermination des éléments de fait et de droit permettant une taxation complète et exacte, en collaboration avec le contribuable (art. 138 Loi d’impôts, RSJU 641.11 ; art. 190 al. 2 LCdir, RSN 631.0 ; 123 LIFD  RS 642.11).

Autrement dit, « les autorités de taxation établissent les éléments de fait et de droit permettant une taxation complète et exacte, en collaboration avec le contribuable. La procédure de taxation est ainsi caractérisée par la collaboration réciproque de l'autorité fiscale et du contribuable (procédure de taxation mixte). Le contribuable est tenu de faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD). Il doit en particulier remplir la déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD) et fournir les documents nécessaires (art. 125 LIFD). A la demande de l'autorité de taxation, il est tenu de fournir tout renseignement écrit ou oral, spécialement lorsque, au vu de la déclaration d'impôt, des questions surgissent à propos des revenus, des frais d'acquisition, de l'évolution de la fortune, etc. (cf. art. 126 al. 2 LIFD). Le contribuable porte ainsi la responsabilité de l'exactitude de sa déclaration. » (Arrêt du 2C_66_2014 consid. 3.1).

Durant cette phase, les tiers suivants (ainsi que les entités entrant dans ces catégories) ont aussi l'obligation de collaborer, notamment en devant remettre gratuitement, pour chaque période fiscale, une attestation à l'autorité fiscale (art. 195 LCdir; RSN 631.0 et art. 145 al. 1 Loi d'impôts, RSJU 641.11) :

  • Les personnes morales, concernant les prestations versées aux membres de l'administration ou d'autres organes; les fondations, concernant les prestations fournies à leurs bénéficiaires.

  • Les institutions de prévoyance professionnelle et de prévoyance individuelle liée, concernant les prestations fournies à leurs preneurs de prévoyance ou bénéficiaires (art. 25, al. 2) au plus tard trente jours avant le paiement.

  • Les sociétés simples et les sociétés de personnes, concernant tous les éléments qui revêtent de l'importance pour la taxation de leurs associés, notamment sur les parts de ces derniers au revenu et à la fortune de la société.

  • Les employeurs, concernant le salaire et les autres allocations versés à un contribuable, ainsi que la liste des salaires et autres prestations versés à tous les membres de son personnel pendant l'année de calcul; ils doivent indiquer sur ces documents les cotisations versées pour leurs travailleurs à des institutions de prévoyance professionnelle régies par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982, ou selon des formes de prévoyance assimilées par le Conseil fédéral à cette prévoyance professionnelle, dans la mesure où elles ont été déduites du salaire.

  • Les placements collectifs de capitaux qui possèdent des immeubles en propriété directe doivent remettre à l'autorité fiscale, pour chaque période fiscale, une attestation portant sur les éléments déterminants pour l'imposition de ces immeubles.

  • Les associés, les copropriétaires et les propriétaires communs doivent pour leur part donner gratuitement, à la demande des autorités fiscales, des renseignements concernant leurs rapports de droit avec le contribuable, notamment sur sa part, ses droits et ses revenus.

Dans le canton de Neuchâtel, un double de l'attestation doit être adressé au contribuable.

Il appartient au contribuable de remettre à l'autorité une déclaration exacte et complète et d'y joindre toutes les pièces qui justifient ses indications ou qu'il doit fournir. Faute de quoi, il est invité à le faire (art. 124 et 126 LIFD, RS 642.11). Sur demande de l’autorité de taxation, les contribuables doivent fournir notamment des renseignements oraux ou écrits, présenter leurs livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations, ainsi que les pièces concernant leurs relations d'affaires (article 192 LCdir; RSN 631.0 et 138 Loi d'impôts; RSJU 641.11 ; art. 126 LIFD, RS 642.11).

A cette fin, les tiers suivants doivent livrer directement aux contribuables des attestations (articles 193 et 194 LCdir; RSN 631.0 et 144 et 145 Loi d'impôts; RSJU 641.11) :

  • L'employeur, concernant ses prestations au travailleur.

  • Les créanciers et les débiteurs, concernant l'état, le montant, les intérêts des dettes et créances, ainsi que les sûretés dont elles sont assorties.

  • Les assureurs, concernant la valeur de rachat des assurances et les prestations payées ou dues, en vertu de contrats d'assurance.

  • Les fiduciaires, gérants de fortune, créanciers gagistes, mandataires et autres personnes qui ont ou avaient la possession ou l'administration de la fortune du contribuable, concernant cette fortune et ses revenus.

  • Les personnes qui sont ou étaient en relation d'affaires avec le contribuable, concernant l'ensemble de leurs relations contractuelles et leurs prétentions et prestations réciproques.

  • Les caisses de compensation en matière d'assurance-vieillesse, invalidité, survivants, allocations pour pertes de gain, concernant les prestations fournies à leur affilié.

Par conséquent, pendant cette procédure de collaboration, les services des contributions désirant obtenir des renseignements complémentaires, que le contribuable ne devait pas préalablement livrer ou des précisions sur des informations contenues dans la déclaration déposée, ne peuvent pas le faire directement auprès de tiers/entités. Ce n'est que si ce dernier répond partiellement ou pas du tout à la demande que les services des contributions bénéficient du devoir d'entraide des entités, mentionné ci-après. Néanmoins, cette affirmation ne s’applique pas aux renseignements pouvant être récoltées dans le cadre des travaux préparatoires (voir ci-dessus)

La deuxième étape est la taxation proprement dite, qui incombe exclusivement à l’autorité. Elle « contrôle la déclaration d'impôt et procède aux investigations nécessaires (art. 130 al. 1 LIFD). En procédure de taxation, la maxime inquisitoire prévaut: l'autorité n'est pas liée par les éléments imposables reconnus ou déclarés par le contribuable. L'autorité de taxation doit apprécier les preuves avec soin et conscience. Sous cette réserve, elle forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs. Il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont alors les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. » (2C_66_2014 consid. 3.1).

Dans ce but, le droit fédéral, les lois neuchâteloises et jurassiennes prévoient que les autorités de la Confédération, des districts, du canton et des communes communiquent gratuitement, sur demande, tous renseignements nécessaires à l'application de la présente loi aux autorités chargées de son exécution. Elles peuvent signaler spontanément à celles-ci les cas qui pourraient avoir fait l'objet d'une imposition incomplète (art. 112 LIFD, RS 642.11 ; 39 LHID, RS 642.14 ; art. 178 al. 1 LCdir; RSN 631.0 et 143 Loi d'impôts; RSJU 641.11).

« Les art. 112 al. 1 LIFD et 39 al. 3 LHID instituent un régime d’obligation unilatérale imposé aux autorités publiques suisses de renseigner les autorités fiscales. La doctrine qualifie ce régime d’aide obligatoire, lequel s’applique en particulier aux institutions judiciaires. Il a pour effet de conduire à la levée, par voie légale, du secret de fonction auquel les autorités publiques sont soumises dans le cas d’une procédure de taxation. L’autorité non fiscale est ainsi autorisée de par la loi à renseigner l’administration fiscale. Même lorsque cette dernière n’en fait pas elle-même la demande, les autorités visées par les art. 112 al. 1 LIFD et 39 al. 3 LHID sont libérées de leur secret de fonction lorsqu’elles constatent, dans l’exercice de leurs activités, que des contribuables auraient pu faire l’objet d’une imposition incomplète. Grâce à ces bases légales, l’autorité qui dénonce l’imposition incomplète à l’administration fiscale est protégée contre le grief de violation du secret de fonction que le contribuable pourrait élever contre elle […] Conformément à la jurisprudence, il suffit que l’autorité fiscale établisse que les renseignements sollicités sont nécessaires à la bonne application de la loi au regard d’une situation ou d’une opération donnée, sans qu’elle doive établir l’existence préalable de soupçons concrets envers un contribuable déterminé avant même d’avoir eu connaissance des actes dont elle demande la communication» (Arrêt de la Cour de Justice genevoise du 10 mai 2011, ATA/283/2011).

En conclusion, il appartient aux services des contributions de récolter les données en conformité avec la loi. En raison du secret fiscal, ces derniers ne peuvent pas motiver leur démarche auprès des entités sollicitées (maîtres de fichiers). Cependant, lesdits services garantissent aux entités sollicitées, de par la loi, qu'ils respectent les règles du droit fiscal et de la protection des données personnelles. Il est cependant recommandé d'effectuer les demandes par écrit (un email est suffisant). Ainsi, le maître de fichier, responsable des données qu'il détient, est déchargé de ses responsabilités, endossées alors par le service des contributions.

Les communes, en particulier, doivent donc répondre favorablement aux demandes de renseignement faites par les administrations fiscales cantonales.

Enfin, il est à souligner que le devoir de collaboration entre autorités fiscales fédérales, cantonales ou communales (art. 143a Loi d'impôt, RSJU 641.11; art. 177 LCdir, RSN 631.0; art. 111 LIFD, RS 642.11) est applicable en tout temps, quelle que soit la phase.

 


[1] Isabelle Althaus-Houriet, Commentaire Romand, n. 10 ad art. 122.

[2] Peter Agner, Beat Jung, Gotthard Steinmann, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, art. 122, n. 2, p. 410.


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