Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Dénonciations à l'APEA par une entité de soins à domicile (2015.0983)

Protection des données

Les collaborateurs d'une entité de soins à domicile peuvent-ils dénoncer des cas à l'APEA ?

Avis du PPDT 2015.0983 publié le 29 juin 2015

Les collaborateurs d'une entité de soins à domicile sont en droit de dénoncer des cas à l'APEA, mais uniquement après avoir vérifié si une levée du secret professionnel s'imposait.

L’article 443 du Code civil suisse (CC; RS 210) prévoit que toute personne a le droit d'aviser l'autorité de protection de l'adulte qu'une personne semble avoir besoin d'aide. Les dispositions sur le secret professionnel sont réservées. Quant à l’article 448, il ajoute que pour les procédures ouvertes par l’APEA, les médecins ainsi que leurs auxiliaires ne sont tenus de collaborer que si la personne concernée les y a autorisés ou que, à la demande de l'autorité de protection de l'adulte, l'autorité supérieure les ait déliés du secret professionnel.

Le secret professionnel s’impose aux médecins et à leurs auxiliaires. Sont  considérés comme tels tous ceux qui soutiennent les professionnels de la santé dans l’exercice de  leur  fonction,  notamment  en  exécutant  des  tâches d’ordre  médical  qui  leur  ont  été déléguées et qui requièrent des informations protégées (personnel infirmier, assistantes médicales, secrétaires, comptables, etc). En revanche, le personnel de nettoyage d’un cabinet ne fait pas partie des auxiliaires au sens de l’article 321 du Code pénal (Directive de la Direction de la Santé publique bernoise, p. 2 février 2014).

Les règles sur la protection  des données doivent également être respectées par l’ensemble des collaborateurs de la Fondation. Toutefois, ces derniers bénéficient avec l’article 443 CC d’une base légale suffisante au sens de l’article 25 CPDT-JUNE pour dénoncer des cas à l’APEA, excepté ceux qui sont soumis au secret professionnel.

En l’occurrence, il s’agit de déterminer à quel moment les collaborateurs non médecins de l'entité de soins à domicile agissent en qualité d’auxiliaires. Faute de réponse spécifique dans le milieu médical, une analogie est à chercher du côté des milieux juridiques. A ce propos la doctrine affirme que :

« La distinction entre auxiliaire et sous-mandataire est controversée. Alors que la responsabilité du mandataire est entière pour les actes de ses auxiliaires (art. 101 al. 1 CO), elle est limitée au soin avec lequel il a choisi le sous-mandataire et donné ses instructions. A cette différence de régime de responsabilité correspond une différence de relation entre le mandataire et son auxiliaire d'une part et son sous-mandataire d'autre part. […] il convient de retenir que l'auxiliaire, qui peut être dépendant (par ex. la secrétaire, le stagiaire ou le collaborateur de l'avocat) ou indépendant (par ex. la banque chargée de payer une avance de frais ou un service de traduction), aide le mandataire, sans le remplacer, ce qui ne signifie pas que ses tâches soient nécessairement subalternes. […] Le mandataire répond des actes de ses auxiliaires comme des siens propres (art. 101 al. 1 CO), en vertu du principe selon lequel celui qui a l'avantage de pouvoir se décharger sur un auxiliaire de l'exécution de ses obligations doit aussi en supporter les inconvénients. La qualité d'auxiliaire ne suppose ni un rapport d'autorité, ni une relation durable. […] Le sous-mandataire est un tiers indépendant auquel le mandataire confie des tâches dont celui-ci se charge de manière indépendante, sous sa propre responsabilité. Il se distingue de l'auxiliaire, qui ne remplace pas le mandataire, mais l'aide dans ses tâches. La substitution constitue ainsi pour le mandataire une alternative à l'exécution personnelle du contrat   » (Bohnet, Martenet, Droit de la profession d’avocat, PdS, 2009, p 1070 s, N. 2662 ss).

Au vu de ce qui précède, pour qu’un auxiliaire soit soumis au secret professionnel, il faut qu’il aide à l’accomplissement d’une tâche dévolue au médecin, quel que soit le rapport contractuel. Par conséquent, il faut distinguer la prescription médicale délivrée par le médecin à l’intention d’autres professionnels de la santé, de la délégation d’une tâche revenant au médecin. Par exemple, le pharmacien, le physio, l’orthopédiste ne sont pas des auxiliaires du médecin. En revanche, l’assistante médicale faisant une prise de sang, la comptable envoyant la facture, sont des auxiliaires. A noter également que le certificat médical ou une attestation justifiant des prestations n’est généralement pas une délégation à un auxiliaire. Par exemple, un document affirmant qu’il faut de l’aide au ménage, ne constitue pas une délégation, puisqu’il n’appartient jamais au médecin de faire ces tâches.

Concrètement, il faut systématiquement déterminer si l’acte effectué par le collaborateur de  l'entité de soins à domicile constitue un acte médical appartenant en principe au médecin, mais que ce dernier a délégué.

En résumé, lorsque le collaborateur découvre des situations méritant une dénonciation à l’APEA et qu’il agit en tant qu’auxiliaire ou médecin, il se doit d’obtenir la levée du secret professionnel. Dans les autres cas, il peut sans autre formalité informer l’APEA.

Reste encore la question de savoir ce qu’il en est lorsque le collaborateur agit en même temps en qualité d’auxiliaire et de mandataire autonome. Une question similaire se pose pour les médecins / avocats qui obtiennent des informations hors cadre professionnel; ces informations sont-elles soumises au secret ?

La doctrine précitée dit que :

« Est secret ce que l'avocat apprend dans l'exercice de son mandat et qui présente un certain rapport avec sa profession, même s'il est fort ténu. Le secret porte sur les faits révélés par le client ou par tout tiers, fût-ce la partie adverse. Il concerne ainsi non seulement les faits confiés à l'avocat mais aussi ceux surpris par lui dans l'exercice de sa profession, y compris à l'insu de son client. […]  Le secret professionnel ne porte pas sur les faits dont l'avocat a eu connaissance à titre privé, à moins qu'ils ne lui aient manifestement été communiqués en sa qualité d'avocat. L'avocat ne peut se prévaloir du secret professionnel pour des faits dont il a eu connaissance comme membre d'une association par exemple» (Bohnet, Martenet, Droit de la profession d’avocat, PdS, 2009, p 758 s, N. 1841 ss).

Au vu de ce qui précède, les confidences obtenues par un collaborateur et conduisant à une dénonciation à l’APEA, sont soumises au secret professionnel, car l’accomplissement de tâches médicales en même temps que les non médicales, peuvent laisser penser au patient qu’il s’adresse à une personne soumise à un tel secret.

En revanche, lorsqu’il est constaté des faits conduisant à une telle dénonciation, le déliement ne paraît pas nécessaire puisque le seul exercice des tâches non médicales aurait permis de faire la même constatation. Il va de soi que si cette dernière n’a pu intervenir qu’avec l’accomplissement de tâche effectuée en tant qu’auxiliaire, une levée du secret s’impose.

Mais en pareil cas, il serait plus prudent de demander la levée du secret, même « inutilement », pour éviter de se retrouver avec une plainte pour violation du secret. Ce risque doit être évalué au cas par cas. Sachant qu’évidemment dans tous les cas d’urgence, la levée n’est pas nécessaire pour un auxiliaire ou un médecin. S’il existe un réel danger qu’une personne ayant besoin d’aide mette en péril sa vie ou son intégrité corporelle ou commette un crime ou un délit qui causerait un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui, il est possible d’informer l’APEA (art. 17 et 18 Code pénal; RS 311.0 ).

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