Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Accès à ses données personnelles figurant dans le journal de police / de poste (2020.3375)

Protection des données

Est-il possible d’accéder à ses données personnelles figurant dans le journal de police / de poste ?

Avis du PPDT 2020.3375 publié le 24 août 2020

Une demande d’accès à ses données personnelles, enregistrées dans le journal de police / de poste, par la personne concernée ne peut être refusé ou restreint, que si l’une des conditions figurant aux articles 33 CPDT-JUNE, 95 Loi jurassienne sur la police ou 98 Loi neuchâteloise sur la police est remplie. Le cas échéant, la personne concernée doit recevoir rapidement une réponse motivée en lui indiquant la possibilité de saisir le PPDT (voir modèle).

Les articles 31 ss CPDT-JUNE offrent le droit d’accès à ses données personnelles. Cette notion doit être comprise dans un sens large et englobe toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable, peu importe leur nature, leur contenu ou le support sur lequel elles sont enregistrées. Cette condition est remplie quand le lien entre une information et une personne est explicite (p.ex. informations contenues sur une carte d'assurance-maladie nominative, propos tenus par une personne), mais également quand ce lien découle d'une corrélation d'informations tenant au contexte. Ainsi, un procès-verbal de séance contient des informations relatives aux personnes qui se sont exprimées durant la séance, mais également des données personnelles relatives aux personnes au sujet desquelles des affirmations ont été faites. De même, une expertise immobilière contient des informations relatives au bien expertisé mais aussi, indirectement, au sujet du propriétaire dudit bien, qu'il soit nommément cité dans l'expertise ou non (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 13 septembre 2018 601 2018 76, consid. 4.2.1).

Il n'est pas déterminant que la personne n'ait pas été présente durant la rédaction du procès-verbal en question. Seule est déterminante l'existence, dans un document, d'informations ayant trait à la personne concernée (élément de contenu), lesquelles sont en l'occurrence susceptibles d'influencer ses droits et ses obligations (élément de résultat) (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 13 septembre 2018 601 2018 76, consid. 4.2.1).

En matière de données personnelles traitées par la police, l’article 33 CPDT-JUNE, prévoit que l’accès aux données est refusé ou restreint lorsqu’une loi au sens formel le prévoit.

Les articles 95 Loi jurassienne sur la police et 98 Loi neuchâteloise sur la police constituent une telle exception. Ils permettent de refuser ou restreindre l’accès demandé par la personne concernée, lorsque cela est nécessaire pour :

  1. éviter de nuire au déroulement d'enquêtes, de recherches ou de procédures judiciaires en cours;

  2. éviter de nuire à la prévention, à la détection, à la recherche et à la poursuite d'infractions;

  3. exécuter des sanctions pénales;

  4. assurer la protection de la sécurité publique;

  5. assurer la sûreté de l'État;

  6. assurer la protection des droits et libertés d'autrui.

La loi neuchâteloise ajoute même qu’aucun droit d’accès n’est accordé aux fichiers auxquels il est attribué un caractère confidentiel au sens de l'article 92 al. 4 de la loi sur la police. C’est-à-dire, les fichiers constitués aux fins d'enquête de police judiciaire devant, pour des raisons impérieuses liées à la protection des investigations de police, rester confidentiel.

Lorsque la police restreint ou refuse l’accès au journal de police / de poste, elle se doit de répondre par écrit, rapidement et avec diligence (art. 39 CPDT-JUNE) en indiquant que le PPDT peut être saisi (art. 37 CPDT-JUNE). Pour ce faire un modèle est à disposition. Dans sa réponse, la police doit sommairement motiver les raisons de son refus ou de sa restriction.

À relever que les personnes concernées non impliquées dans une procédure pendante, dont les données figurent dans un dossier, ne peuvent invoquer les droits procéduraux correspondants, lesquels sont réservés aux parties. En conséquence, elles peuvent se prévaloir du droit d'accès pour accéder à leurs propres données personnelles dans le cadre d’une procédure pendante, nonobstant la disposition dérogatoire de l'article 15 CPDT-JUNE (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6356/2016 du 19 avril 2018 consid. 3.1.4 et réf. citée).

Cependant, l’article 2 al. 2 CC refuse la protection légale en cas d’abus de droit manifeste. Pour décider si un droit est exercé de façon abusive, il faut prendre en considération les circonstances de chaque cas particulier. La jurisprudence a dégagé certains types d’abus manifestes. Ainsi, il y a abus de droit, notamment, en cas d’utilisation d’un droit dans un but contraire au but légal, pour protéger des intérêts que la loi ne souhaite pas protéger, la norme devenant un moyen au service d’un but qui lui est étranger. Le fardeau de la preuve des circonstances permettant de conclure à l’abus de droit incombe à celui qui l’invoque. Ainsi, lorsque le droit d'accès est exercé dans un but autre que la protection des données, par exemple lorsque le droit d'accès n'est utilisé que pour nuire au débiteur de ce droit ou pour économiser les frais à payer normalement pour obtenir ces données. Il faudrait probablement aussi considérer comme contraire à son but et donc abusive l’utilisation du droit d’accès dans le but exclusif d’espionner une (future) partie adverse et de se procurer des preuves normalement inaccessibles à une partie. Le droit d’accès n’est en effet pas destiné à faciliter les preuves ou à interférer dans le droit de la procédure civile. Ce serait ainsi le cas d’une requête fondée sur le droit d'accès qui ne constituerait qu’un prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (fishing expedition) (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6356/2016 du 19 avril 2018 consid. 3.3.1 s et réf. citée).

En revanche, il a été jugé que la requête de clients d’une banque s’estimant lésés par des opérations effectuées sur leurs comptes, afin d’obtenir les données personnelles internes les concernant en vue d'une éventuelle action en dommages-intérêts contre la banque, n'était pas abusive sous l’angle du droit d'accès ; ils ne requéraient pas la remise de documents dont ils ne pourraient pas exiger l’apport dans la procédure civile et avaient un intérêt à l’accès aux données les concernant pour contrôler l’exactitude de ces données ; même s’ils voulaient contrôler ces données également en vue d’une éventuelle action en dommages-intérêts, leur demande d’accès ne serait pas encore abusive.

Il s’ensuit qu’une situation d’abus de droit au titre du droit d'accès ne peut être retenue qu’avec beaucoup de réserve (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6356/2016 du 19 avril 2018 consid. 3.3.3 et réf. citée).

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