Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Communication de données personnelles de l’APEA aux curateurs ou aux services sociaux (2020.3412)

Protection des données

L’APEA est-elle autorisée à communiquer des expertises médicales aux curateurs ou d’évaluations sociales aux services sociaux ?

Avis du PPDT 2020.3412 publié le 3 novembre 2020 mis à jour le 15 avril 2021

Les demandes d'expertise médicale  ordonnée par l'APEA ou d'évaluation sociale établie par ses soins (ou sur son mandat) doivent être examinées sous l'angle des règles relatives à la communication et au droit d'accès à ses données personnelles. Il peut être admis une communication limitée d’informations indispensables pour l’accomplissement des tâches du curateur, en respectant rigoureusement le principe de la proportionnalité. Le droit d'accès à ses données personnelles peut être exercé par les curateurs, sous réserve des conditions développées ci-après. Dans les deux cas, l'appréciation de l'APEA dépend non seulement du cadre légal, mais aussi de l'étendue du mandat de curatelle octroyé et des intérêts de la personne sous curatelle.

Lorsque l'APEA est confrontée à une demande d'expertise médicale qu'elle a ordonnée ou d'évaluation sociale établie par ses soins (ou sur son mandat), elle doit l'examiner sous deux angles différents : celui de la communication de données sensibles et celui du droit d'accès à ses données personnelles.

1. Communications des expertises médicales et évaluations sociales par l'APEA

Les expertises médicales constituent des données sensibles dont la communication par une entité soumise à la CPDT-JUNE, telle que l'APEA, doit impérativement reposer sur une loi adoptée par le parlement cantonal ou fédéral (art. 25 al. 1 CPDT-JUNE), ou être nécessaire à l'accomplissement d'une tâche légale clairement définie pour le destinataire, s'il s'agit d'une entité soumise à la CPDT-JUNE. L'article 26 CPDT-JUNE précise que la communication de données est refusée ou restreinte lorsqu'une base légale l'interdit. Tant la loi permettant la communication que la tâche légale du destinataire doivent clairement indiquer au moins l'auteur du traitement, les catégories de données traitées, le but visé, ainsi que les modalités d'accès à ces dernières et pour quelles raisons (voir avis 2017.1717).

En l’occurrence, peu de dispositions légales traitent le sujet. Néanmoins, l’article 451 du Code civil (CC ; RS 210) impose de garder le secret à l'APEA ("l’autorité de protection de l’adulte est tenue au secret, à moins que des intérêts prépondérants ne s’y opposent"). Cette obligation, prévue par le droit fédéral en matière de protection de l'enfant et de l'adulte, exclut l'application de toute disposition cantonale qui y dérogerait : des règles cantonales de procédure sur l'obligation de témoigner et de production des pièces, ainsi que les droits de consultation du dossier et leurs restrictions. Ces dispositions ne peuvent donc être envisagées que dans la mesure où elles sont compatibles avec l'obligation de garder le secret de l'art. 451 CC (Cottier Hassler, Protection de l’adulte, art. 451, Stämpfli 2013, p. 958, N. 6).

Cet article protège les informations réunies à propos de la personne concernée et parfois aussi de ses proches ou des tiers, car elles sont particulièrement dignes de protection. L'obligation de garder le secret constitue une condition essentielle au développement et au maintien d'un rapport de confiance entre les personnes concernées et l'autorité de protection, ce qui est indispensable au succès des mesures. De surcroît, le droit actuel de protection de l'adulte, dans son ensemble, cherche à éviter toutes stigmatisations et discriminations de la personne visée par une mesure, c’est d’ailleurs pourquoi l'expression « tutelle » a été bannie du domaine de la protection de l'adulte et de l'enfant (Cottier Hassler, Protection de l’adulte, art. 451, Stämpfli 2013, p. 957, N. 2 ss).

L’obligation de garder le secret vaut à l’égard de tous les tiers, soit les administrations, les autorités judiciaires et également les particuliers, aussi longtemps qu'il n'y a pas d'intérêts prépondérants qui autorisent la communication d'informations, conformément à l'art. 451 al. 1 CC. Ceci est également valable lorsque, de leur côté, les tiers sont soumis à un secret de fonction ou professionnel, voire à un devoir de discrétion fondé sur le droit privé. L'obligation de garder le secret vaut en particulier à l'égard des proches (p.ex. les parents stricto sensu, le conjoint, le partenaire [enregistré ou de fait], les enfants), sauf si la personne concernée a consenti à ce que des informations la concernant soient transmises, ou si elle a un « intérêt prépondérant » à la transmission d'informations (art. 451 al. 1 CC) ou, enfin, si des proches jouissent d'un droit de consulter le dossier en leur qualité de parties à la procédure (Cottier Hassler, Protection de l’adulte, art. 451, Stämpfli 2013, p. 960, N. 10).

À l'inverse, l’article 400 al. 3 CC permet une communication limitée : "l’autorité de protection de l’adulte veille à ce que le curateur reçoive les instructions, les conseils et le soutien dont il a besoin pour accompagner ses tâches. ». Peut également entrer en ligne de compte l’article 388 CC qui rappelle que « Les mesures prises par l’autorité de protection de l’adulte garantissent l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide.". Aucune de ces dispositions n'offre expressément aux curateurs le droit d'obtenir des données personnelles sensibles de la part de l'APEA.

Par conséquent, force est de constater que les règles exposées ne permettent pas la communication d’expertises médicales ou d'évaluations sociales, faute d'être suffisamment explicites. A leur lecture, personne ne peut imaginer que l’expertise médicale ordonnée par l’APEA, ou l'évaluation sociale établie par cette dernière (ou sur son mandat), seront communiquées à un curateur, aux services sociaux régionaux (JU) ou au Service de protection de l'adulte et de la jeunesse (SPAJ, NE).

Au vu des articles 388 CC, 390 ss, 400 al. 3, 414 CC et 451 CC, on peut tout au plus admettre une communication limitée aux informations indispensables pour l’accomplissement des tâches du curateur, en respectant rigoureusement le principe de la proportionnalité. Autrement dit, elle doit être réduite par l’APEA à son contenu minimum pour être utile au curateur désigné et dépendra évidemment de l'étendue du mandat octroyé. Il sera, par exemple, systématiquement préféré la communication de mesures à prendre plutôt que des données assimilables à un diagnostic médical.

2. Utilisation du droit d'accès à ses données personnelles par les personnes sous curatelle

Le droit d’accès à ses données personnelles, contenues dans une expertise médicale ou une évaluation sociale, est un droit « strictement personnel » lié étroitement à la protection de la personnalité du titulaire. Autrement dit, l’exercice de ce droit est garanti seulement à la personne concernée. Il s’agit d’un droit intimement lié à la personne et qui appartient à celle-ci « de par sa qualité d’être humain ».

La personne directement touchée par une mesure de protection bénéficie, en principe, du droit de se faire communiquer toutes les informations récoltées, eu égard à la transparence qui est nécessaire pour établir une relation de confiance ; dans le doute, le principe est plutôt de lui révéler des informations que de les garder secrètes. L'obligation de garder le secret doit demeurer l'exception face à des intérêts prépondérants de tiers ou de la personne concernée elle-même (Cottier Hassler, Protection de l’adulte, art. 451, Stämpfli 2013, p. 960, N. 11).

La capacité de discernement est suffisante pour l’exercer. L’accord de la personne concernée est donc en principe nécessaire pour être représentée dans le cadre d'une demande d'accès à ses données médicales (Ranzanici Ciresa Francesca, La protection de la partie faible dans la communauté de vie non maritale, Stämpfli 2019, p. 228, N. 993 et 995 ; Christian Flueckiger, Dopage, santé des sportifs professionnels et protection des données médicales, Collection CERT vol. 1, Genève/Paris/Bruxelles 2008, Schulthess, Bruylant, L.G.D.J. p. 69).

Toutefois, pour le curateur de représentation/gestion, le pouvoir de faire une demande d'accès aux données personnelles de la personne sous curatelle (sans son accord exprès) peut être déduit du fait qu’il a pour tâche de représenter la personne dans les tâches d’assistance personnelle, voire patrimoniale. Il faut que le besoin d'accès puisse être déduit des tâches qui lui sont confiées (par ex. régler certaines affaires administratives ou liées aux assurances sociales ou privées en suspens). Le simple fait de mentionner une représentation dans le domaine médical (art. 378 al. 1 ch. 2 CC) ne suffit pas pour accéder au dossier médical. À nouveau, il appartient à l'APEA de faire une appréciation de la nécessité des données pour le curateur. Pour simplifier cette démarche, l’APEA peut indiquer expressément le pouvoir d'exercer le droit d'accès et son étendue dans la décision de curatelle, respectivement l’ajouter après coup, s’il s’avère nécessaire pour la bonne exécution des tâches confiées au curateur (Philippe Meier, Le proche représentant en matière médicale peut-il délier le médecin de son secret médical, in RMA 2018 p. 467).

Pour les personnes incapables de discernement, les curateurs de portée générale investis d'une mission globale (art. 398 al. 2 CC) peuvent exercer pleinement le droit d'accès aux données personnelles pour le compte de la personne sous curatelle. (Manon Jendly, La coexistence des secrets en exécution de peine privative de liberté, Thèse 2005, p. 166; Philippe Meier, Le proche représentant en matière médicale peut-il délier le médecin de son secret médical, in RMA 2018 p. 467).

À relever que, quel que soit l'auteur de l'utilisation du droit d'accès à ses données personnelles, l'APEA se doit de vérifier qu'aucune restriction (art. 33 CPDT-JUNE) n'est applicable, et en particulier qu'aucun intérêt public ou privé ne s'y oppose (pour plus de détails, voir page Accès à ses données personnelles). Par exemple, si un curateur se prévaut d'un accord de la personne sous curatelle pour accéder à des données sensibles, l'APEA devra s'assurer que ces dernières sont nécessaires à l'accomplissement de ses tâches, conformément au principe de proportionnalité.

De plus, l'accès doit être limité aux données personnelles de la personne sous curatelle qui les demande directement, ou par l'intermédiaire de son curateur.

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