Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Notion de document d'aide à la décision (note interne) (2013.0539)

Transparence

Qu'est-ce qu'un document d'aide à la décision (note interne) au sens de l'article 70 CPDT-JUNE ?

Avis du PPDT 2013.0539 publié le 16 février 2015 et mis à jour le 07 mars 2023

  

Un document doit être considéré comme une aide à la décision (note interne) que de manière très restrictive.

L'accès à ses données personnelles figurant dans un document d'aide à la décision (note interne) est traité dans cet avis.

L'accès aux documents officiels est qualité de droit fondamental pour le canton de Neuchâte (art. 18 Cst, RSN 101). Alors qu'au Jura, l’art. 68 Cst (RSJU 101), intitulé « information publique », prévoit que les autorités cantonales et communales informent le peuple sur leur activité. Il s’agit d’un devoir d’information pour les autorités, mais aucun droit à l’information du citoyen n’est ainsi ancré  dans les droits fondementaux jurassiens (Journal des débats n°20 - 2002). Quoi qu'il en soit, dans les deux cantons, il est possible d'invoquer spécifiquement les règles sur la transparence (art. 69 ss CPDT-JUNE), en étant conscientes que  l'accès aux documents d'aide à la décision (notes internes) est limité principalement par l'article 70 al. 3 CPDT-JUNE.

Cette disposition contient notamment une notion inconnue de l'ancienne loi neuchâteloise sur la transparence des activités étatique (LTAE) et de la loi fédérale sur la transparence, c'est-à-dire "les documents d'aide à la décision, telles des notes internes". En revanche l'ancienne loi jurassienne sur l'information (LInf) connaissait cette notion. Le rapport explicatif de la CPDT-JUNE est relativement évasif sur le sujet puisqu'il indique uniquement :

Pour le canton de Neuchâtel, la restriction relative aux notes internes (connue à l’art. 4, al. 3 in fine LInf) constitue une nouveauté (art. 70, al. 3 in fine).

Les cantons de Genève et Valais ne connaissent pas de restrictions similaires, contrairement à Vaud et Fribourg. L'article 9 al. 2 de la loi vaudoise exclut :

Les documents internes, notamment les notes et courriers échangés entre les membres d'une autorité collégiale ou entre ces derniers et leurs collaborateurs, sont exclus du droit d'information institué par la présente loi.

Alors que l'article 29 al. 1 let. c de la loi fribourgeoise exclut :

Les réflexions individuelles, échanges de vues et avis de nature politique ou stratégique exprimés dans les notes internes servant aux discussions des organes publics.

Au niveau de l'interprétation de la restriction "document d'aide à la décision/notes internes", deux décisions cantonales se sont déjà penchées sur la question. Tout d’abord, l'ancienne commission de la protection des données jurassienne a eu l'occasion de la préciser en se référant à la jurisprudence en relation avec le droit de consulter le dossier :

Par documents internes, il faut comprendre les pièces qui ne constituent pas des moyens de preuve pour le traitement du cas, mais qui servent au contraire exclusivement à la formation interne de l'opinion de l'administration et sont destinées à un usage interne, tels que notes, avis personnel donné par un fonctionnaire à un autre, projets, rapports, propositions, etc. L'exclusion de ces documents du droit à la consultation du dossier a pour but d'éviter qu'au-delà des pièces décisives du dossier et des décisions motivées prises par l'administration, la formation interne de l'opinion de celle-ci ne soit pas entièrement portée à la connaissance du public (RJJ 2004 213 (229) consid. 3.1.2; et les références citées; voir aussi avis du PPDT 2013.0510).

En analysant l'accessibilité à un rapport d'audit, elle ajoute :

[...] Ce n'est pas une note personnelle ni un projet, une proposition ou un avis adressé à d'autres membres de l'administration qui doivent encore délibérer et qui servirait donc à la formation de la volonté interne de l'administration. Ce rapport n'est pas non plus destiné à un usage personnel du Chef du département à qui il est adressé. Il sert au contraire de moyen décisif pour traiter le cas du fonctionnement des institutions concernées [...].
(RJJ 2004 213 (229) consid. 3.1.2; et les références citées).

Ensuite, la restriction fribourgeoise étant très proche de celle figurant dans la CPDT-JUNE, il est possible de se référer également à cet arrêt du 28 novembre 2018 du Tribunal cantonal fribourgeois qui développe à son tour :

Sur la question des notes internes, il convient également de se référer à l'art. 29 al. 1 let. c LInf. Aux termes de cette disposition, ne sont pas accessibles: les réflexions individuelles, échanges de vues et avis de nature politique ou stratégique exprimés dans les notes internes servant aux discussions des organes publics. Il n’a pas paru possible de soustraire du droit d’accès l’ensemble des notes ou documents internes: cette notion est trop floue pour respecter le principe selon lequel toute restriction d’un droit fondamental doit avoir une base légale suffisamment claire et précise (presque chaque membre de la fonction publique a sa propre conception de ce qui est interne), et le fait de revenir globalement au principe du secret pour tout ce qui est interne serait contestable sous l’angle du principe de proportionnalité (Message LInf, n. 2.3.2 b ad art. 28). Cette disposition ne permet pas d'opposer un refus total au demandeur, mais permet seulement de restreindre l'accès au document en éliminant de ce dernier les appréciations subjectives à caractère politique ou stratégique. Le reste de la note, soit essentiellement les éléments objectifs ainsi que d'éventuelles appréciations subjectives ne revêtant pas un caractère politique ou stratégique, reste accessible aux conditions usuelles (VOLLERY, p. 419).

Dans le même sens un arrêt vaudois du 22 mars 2017 (GE.2017.0001) précise qu'un :

document interne est exclu du principe de transparence car il s'agit de documents devant permettre la libre formation de l'opinion et de la décision d'une autorité collégiale et qui, de ce fait, doivent être soustraits à l'opinion publique. Il est précisé que la loi vaudoise s'inspire de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui refuse expressément l'accès aux documents internes de l'administration (ATF 115 V 297). La Haute cour a ainsi défini les documents internes comme des documents informels, qui ne constituent pas des moyens de preuve pour l'étude d'un cas, qui servent à la formation de l'opinion interne de l'autorité et qui ne sont destinés qu'à un usage purement interne à l'administration, tels des notes, avis personnels, brouillons, esquisses, etc. Cette définition recoupe celle de la LInfo en matière de document interne ou inachevé. Le Tribunal fédéral a également spécifié que les rapports et expertises établis de manière interne au sujet d'états de faits litigieux ne constituent pas des documents internes, leur consultation faisant partie du droit d'être entendu. Cette jurisprudence traite du droit de consulter le dossier sous un angle procédural, à la lumière du droit d’être entendu. Elle n’est donc pas transposable telle quelle au cas d’espèce. Toutefois, les notions de "documents internes" ou de documents "devant permettre la formation de l’opinion de l’autorité" telles que définies par la jurisprudence sont suffisamment proches de celles retenues par le législateur vaudois aux art. 9 LInfo et 14 RLInfo pour servir à leur interprétation (arrêts précités GE.2011.0176 consid. 2c; GE.2008.0094 consid. 2b; GE.2005.0145 du 3 février 2006 consid. 4b/cc).

Un autre arrêt vaudois du 11 octobre 2019 (GE.2019.0034) ajoute  que :

On ne saurait comparer la "vision communale" à de simples notes internes échangées entre membres d'une autorité ou avec leurs collaborateurs. Au contraire, la "vision communale" présente les objectifs concrets de l'autorité communale au terme d'une réflexion interne aux fins d'obtenir en premier lieu des subventions qui permettront ensuite à cette autorité de réaliser les adaptations nécessaires de son plan d'affectation. [...] En outre, la "vision communale" ne saurait être qualifiée de document "interne" au sens des art. 9 al. 2 <LInfo> et 14 al. 1 RLInfo. Comme on l'a vu, la "vision communale" litigieuse dépasse le stade des notes et des courriers échangés entre collègues et a déjà été transmise par l'autorité communale au SDT en exposant des propositions stratégiques concrètes de la municipalité.

Encore un autre du 19 septembre 2018 précise (GE.2018.0126):

qu’un rapport d'audit technique, établi par un mandataire externe de l'administration cantonale, qui concernait l'accomplissement d'une tâche publique (en relation avec la gestion des dossiers des projets de construction dans le canton de Vaud) et comportait des données techniques, un diagnostic des problèmes et des solutions, ainsi que des recommandations, n’était pas un document interne. Ledit document ne contenait pas une appréciation politique ou stratégique nécessitant une prise de position de l'Etat.

En ce qui concerne spécifiquement les rapports d'audit, le Tribunal fédéral a définitivement tranché la question en déclarant que :

Au vu de ces définitions, il apparaît que le rapport constitue un document officiel. Il a en effet été établi dans le cadre d'une enquête administrative, à la demande du Conseil d'Etat, en vue d'éventuelles mesures suite aux évènements intervenus dans le centre d'accueil dépendant alors de l'administration cantonale. Il est indubitable que la réalisation, sur mandat de l'Etat, d'une enquête administrative constitue une tâche publique; quand bien même l'auteur du rapport évoque des moyens et un temps limités pour réaliser son mandat, le document avait atteint un stade définitif d'élaboration et on ne saurait y voir un document à usage personnel, voire une simple aide à la décision. (arrêt TF 1C_472/2017 du 29 mai 2018, consid. 2.3).

En d'autres termes, si le document est nécessaire pour motiver, justifier une décision ou la position de l'entité concernée, il ne s'agit pas d'une note interne, même si le document est intitulé ainsi.

Le Tribunal fédéral a également précisé que par note interne il faut entendre :

des notes dans lesquelles l'administration consigne ses réflexions sur l'affaire en cause, en général afin de préparer des interventions et décisions  nécessaires. Il peut également s'agir de communications entre les fonctionnaires traitant le dossier. Cette restriction du droit de consulter le dossier doit de manière normale empêcher que la formation interne de l'opinion de l'administration sur les pièces déterminantes et sur les décisions à rendre ne soit finalement ouverte au public [...] Il n'est en effet pas nécessaire à la défense des droits des administrés que ceux-ci aient accès à toutes les étapes de la réflexion interne de l'administration avant que celle-ci n'ait pris une décision ou manifesté à l'extérieur le résultat de cette réflexion. Encore faut-il ne pas qualifier de notes internes des pièces ou le résultat de preuves déterminantes pour la prise d'une décision [...] (arrêt du Tribunal fédéral 8C_251/2011 du 19 décembre 2011).

Exemple :

Un rapport d'audit sur le fonctionnement de l'administration ne constitue pas une "note interne", selon la jurisprudence suivante :

Ce n'est pas une note personnelle ni un projet, une proposition ou un avis adressé à d'autres membres de l'administration qui doivent encore en délibérer et qui servirait donc à la formation de la volonté interne de l'administration. Ce rapport n'est pas non plus destiné à un usage personnel du Chef du département à qui il est adressé. Il sert au contraire de moyen décisif pour traiter le cas du fonctionnement des institutions concernées et est à la base des décisions prises par le Département de la Santé, des Affaires sociales et de la Police. Dans ces conditions, on doit reconnaître au rapport d'audit en cause le caractère d'un document officiel susceptible d'être consulté par le public. (RJJ 2004 213 (229 s) consid. 3.1.2; et les références citées).

Il appartient à l'autorité de juger si les documents d'aide à la décision/notes internes demandés remplissent ou non les conditions de la jurisprudence pour être communiqués, ainsi que de vérifier si les conditions des autres restrictions ne sont pas remplies (art. 72 CPDT-JUNE).

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