Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Ouverture par les administrateurs communaux de la correspondance adressée aux polices locales

Protection des données

Les administrateurs communaux sont-il en droit d'ouvrir les courriers adressés à la police locale ?

Avis du préposé du 2 mars 2005

Préambule

Par courrier du 22 décembre 2004, un agent d'une police locale du canton a saisi l'Autorité de surveillance LCPP, signalant que tout le courrier destiné à la police locale de sa commune était ouvert par l'administrateur communal, celui-ci invoquant que, de par sa fonction, il doit avoir un suivi des dossiers qui arrivent à la commune. L'agent demandait si cette pratique est conforme ou non au droit.

Le président de l'Autorité de surveillance LCPP a contacté quelques communes pour connaître leur pratique en la matière. Il en est ressorti que:

  • dans certaines communes, le courrier adressé à la police locale n'est lu que par les agents;

  • dans d'autres communes, tout le courrier est lu préalablement par l'administrateur communal;

  • finalement, certaines communes ont adopté une position médiane, les courriers émanant de la police cantonale et adressés à la police locale n'étant pas lus par l'administrateur communal, contrairement aux autres courriers adressés aux agents communaux.

Le président de l'Autorité de surveillance LCPP a également contacté le Procureur général et l'adjoint du chef de la police de sûreté pour connaître leur avis quant à la pratique dénoncée par l'agent qui a saisi l'Autorité de surveillance. Leur avis sera repris ci-dessous, dans la partie "Avis" de ce document.

Avis

Les membres des polices locales ne sont pas uniquement chargés des tâches de police que les lois et règlements attribuent aux communes sous le contrôle de l'autorité cantonale, mais ils sont aussi des agents de la police judiciaire.

En effet, l'article 93 du Code de procédure pénale neuchâtelois (ci-après CPPN; RSN 312.0) stipule :

La police judiciaire est exercée dans les limites et dans les formes prévues par la loi :

par les officiers de la police cantonale, qui ont qualité d'officiers de police judiciaire;

par les autres membres de la police cantonale et des polices locales, ainsi que les fonctionnaires et particuliers auxquels la loi confère cette qualité, qui sont les agents de la police judiciaire.

Il convient de préciser que la loi portant révision du CPPN du 23 mars 1998 a renoncé à reconnaître la qualité d'agents de la police judiciaire aux conseillers communaux chargés de la police locale, comme c'était alors le cas (BGC 163/II p. 1545).

Selon l'article 95 al. 1 CPPN, la police judiciaire est tenue de garder le secret sur toutes les opérations auxquelles elle procède et sur les faits qui sont parvenus à sa connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Ce secret de fonction lie donc les polices locales dans l'accomplissement de leur fonction de police judiciaire, tout comme les autres agents de la police judiciaire lorsqu'ils collaborent avec les agents communaux.

Force est dès lors de constater qu'il y a violation de ce secret lorsque que l'administrateur communal, qui n'est pas membre de la police judiciaire, lit la correspondance des agents de la police locale qui leur a été adressée dans le cadre de leurs tâches de police judiciaire.

Certes, les administrateurs communaux sont des fonctionnaires et, de ce fait, ils sont soumis eux aussi au secret de fonction, mais cela ne les autorise nullement à prendre connaissance d'éléments couverts par un secret "supplémentaire", le secret de la police judiciaire.

De plus, il n'est pas justifié que l'administrateur communal puisse prendre connaissance d'informations se rapportant à la police judiciaire, laquelle se trouve hors de son activité professionnelle strictement définie. En effet, la police judiciaire est dirigée par le Procureur général, et elle est subordonnée au juge en cours d'instance, ou dès que celui-ci est chargé d'une enquête préalable (art. 94 CPPN).

D'ailleurs, avisé par le président de l'Autorité du surveillance LCPP de cette pratique, le Procureur général a indiqué qu'il n'y a pas de motifs que des employés communaux prennent connaissance de documents adressés à des policiers dans le cadre d'affaires judiciaires que ceux-ci traitent ou doivent traiter; quant à l'adjoint du chef de la police de sûreté, il a fait part d'un avis similaire à celui du Procureur.

Il apparaît par conséquent que cette pratique est contraire au droit et l'Autorité de surveillance LCPP demandera dès lors à l'ensemble des communes neuchâteloises concernées d'y mettre un terme.

Conclusions

L'Autorité de surveillance LCPP prend ainsi les conclusions suivantes :

L'ouverture du courrier adressé à la police locale dans le cadre de son activité de police judiciaire, par l'administrateur communal est contraire au droit.

Il est demandé à l'ensemble des communes neuchâteloises concernées de mettre un terme à cette pratique et de prendre les mesures nécessaires pour que le courrier adressé à la police locale dans le cadre de son activité de police judiciaire ne soit lu que par les agents de la police judiciaire.

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