Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Les 20 restrictions d'accès à un document officiel

Transparence

Introduction

Passages de l’arrêt du TAF, 11 décembre 2019 (A-2352/2017) adapté au droit cantonal, partiellement modifié et remis en forme, avec quelques compléments cantonaux.

Hormis pour les procès-verbaux des séances non publiques, les règles de la transparence fondent une présomption en faveur du libre accès aux documents officiels au sens de l'art. 70 CPDT-JUNE. Il appartient aux entités de prouver que le document n’est pas accessible. Soit les informations tombent sous une restriction, soit elles doivent être dévoilées. Une atteinte mineure ou simplement désagréable aux intérêts publics/privés engendrée par l'accès ne saurait constituer un motif de refus. Lorsque la probabilité de la réalisation de la violation d'intérêts à protéger existe tout en étant faible ou lorsqu'il faut s'attendre à une conséquence négative mineure, il est indiqué d'opter en faveur de l'accès. En cas de variante possible, l'autorité doit choisir la moins incisive et qui porte le moins possible atteinte au principe de la transparence. Les documents officiels contenant des données personnelles doivent être si possible rendus anonymes avant qu'ils soient consultés. Si l'entité entend refuser la consultation de pièces faisant l'objet d'une procédure d'accès, elle est tenue en tous les cas de communiquer au demandeur un résumé du contenu essentiel de ces documents, si elle les utilise à leur détriment.

La CPDT-JUNE vise à promouvoir la transparence quant à la mission, l'organisation et l'activité de l'administration. A cette fin, elle contribue à l'information du public en garantissant l'accès aux documents officiels (art. 57 CPDT-JUNE). Ce droit d'accès général concrétise le but essentiel de la loi, qui est de renverser le principe du secret de l'activité de l'administration au profit de celui de transparence (TF, 20 novembre 2020, 1C 59/2020, consid. 4.1; ATF 142 II 340 consid. 2.2, 142 II 324 consid. 3.4 ;  TAF, 11 décembre 2019, A-2352/2017; TF, 17 avril 2019, 1C_462/2018 du consid. 3.2 ; ATAF 2016/18 consid. 4.1, 2014/24 consid. 3.1.). Il s'agit, en effet, de susciter la confiance du citoyen en l'administration et en son fonctionnement, de renforcer le caractère démocratique des institutions publiques, tout en améliorant le contrôle des autorités étatiques (TAF, 20 novembre 2020 1C 59/2020, consid. 4.1; TAF, 11 décembre 2019, A-2352/2017, consid. 4.1 et réf. cit. ATF 136 II 399 consid. 2.1 ; ATAF 2011/52 consid. 3 ; parmi d’autres :TAF, 20 octobre 2016, A-683/2016, consid. 3.1.). La loi s'applique ainsi à l'ensemble des administrations et collectivités publiques cantonales et communales, ainsi qu’aux entreprises privées accomplissant des tâches d’intérêt public (art. 2 CPDT-JUNE).

Ainsi, pour autant que la CPDT-JUNE soit applicable à raison de la personne et de la matière (art. 2 et 69 ss CPDT-JUNE) et qu’aucune disposition spéciale au sens de l’art. 69 al.4 CPDT-JUNE n’existe, toute personne a le droit de consulter – et de demander une copie sous réserve des droits d'auteur – des documents officiels (art. 69 CPDT-JUNE), sans devoir justifier d'un intérêt particulier (ATF 142 II 340 consid. 2.2, 133 II 209 consid. 2.1). Par documents officiels, il faut entendre toute information qui est détenue par l'autorité dont elle émane ou à laquelle elle a été communiquée, et qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique (art. 70 CPDT-JUNE). A cet égard, peu importe le support sur lequel a été enregistrée le document officiel. La loi admet également que si le document n’existe pas, l’autorité est néanmoins obligée de le produire si celui-ci peut être facilement établi par un traitement informatisé.

La CPDT-JUNE fonde donc une présomption en faveur du libre accès aux documents officiels (TAF, 9 janvier 2024, A-1310/2022, consid. 6.2; ATF 142 II 340 consid. 2.2 et réf. cit.).

Dès lors, si l’autorité décide de limiter ou refuser l'accès à des documents officiels, elle supporte le fardeau de la preuve destiné à renverser la présomption du libre accès aux documents officiels, instituée par la CPDT-JUNE. En d'autres termes, elle doit exposer pour quel motif et dans quelle mesure une ou plusieurs des exceptions légales figurant aux art. 69, 70 et 72 CPDT-JUNE est ou sont réalisées (TAF, 9 janvier 2024, A-1310/2022, consid. 6.2; TAF, 16 mars 2022, A-746/2019, consid. 4.3; ATF 142 II 324 consid.3.4 ; ATAF 2014/24 consid. 3, ATAF 2011/52 consid. 6 ; Message du Conseil fédéral relatif à loi fédérale sur la transparence [Message LTRANS], FF 2003 1807, 1844 ; PASCAL MAHON/OLIVIER GONIN in : Stephan C. Brunner/Luzius Mader [éd.], Öffentlichkeitsgesetz, Handkommentar, Berne 2008 [ci-après : Öffentlichkeitsgesetz], ad art. 6 N 11.). L’autorité jouissant d’un important pouvoir d’appréciation dans l’application des exceptions prévues par la loi, les exigences de motivation en sont d’autant plus élevées. Les explications de l'autorité doivent être convaincantes, à savoir être précises et claires, complètes et cohérentes (TAF, 9 janvier 2024, A-1310/2022, consid. 6.2; TAF, 26 juillet 2017,  A-6/2015, consid. 4.1.). Le principe de la proportionnalité dicte également qu’elle explique pourquoi, le cas échéant, un accès restreint ne peut pas être autorisé (ATF 142 II 324 consid. 3.6 ; ISABELLE HÄNER, in Öffentlichkeitsgesetz, ad art. 15 N 8).

Une objection au droit d’accès soulevée parce que le document remonte à plusieurs années ne saurait remettre en cause le droit d'accès, pas plus que les éventuelles inexactitudes qu'il pourrait contenir. Le droit de l'intimée de rectifier de telles inexactitudes (en se prévalant notamment de la décision pénale rendue en sa faveur) fait l'objet de dispositions distinctes dont l'application n'est pas discutée dans le cadre d'une demande d'accès à un document officiel (TF, 29 mai 2018 1C_472/2017, consid. 3.3).

Restrictions admises

Uniquement dans les cas spécifiés aux art. 69, 70 et 72 CPDT-JUNE, l'accès aux documents officiels est restreint, différé ou refusé. Il ne revient pas à l'autorité de déterminer le poids relatif à accorder à l'intérêt public à la transparence, étant entendu que d'une part, l'accès aux documents n'est subordonné à aucun intérêt et que, d'autre part, la loi a déjà procédé à une pesée des intérêts (TAF, 2 septembre 2015, A-3621/2014, consid. 5.2.2) .

Les intérêts publics ou privés énoncés à l’art. 72 CPDT-JUNE, qui peuvent justifier le maintien du secret, doivent alors revêtir un caractère prépondérant par rapport à l'intérêt (public) à l'accès auxdits documents, respectivement à la transparence. La loi procède par avance à une pesée des intérêts en cause, dans la mesure où elle énumère de manière exhaustive les différents cas où les intérêts publics ou privés apparaissent prépondérants(ATF 144 II 77 consid. 3; ATAF 2014/24 consid. 3.4, 2011/53 consid. 6, 2013/50 consid. 8.1; TAF, 6 août 2018, A-6475/2017, consid. 3.2.3; 6 septembre 2018, A-3884/2017 consid. 3.3.1; 25 janvier 2016, A-3649/2014, consid. 8.2.1; 2 septembre 2015, A-3621/2014, consid. 4.2.1; 26 mai 2015, A-700/2015, consid. 4.2; URS STEIMEN, in Maurer-Lambrou/Blechta [éd.], Basler Kommentar Datenschutzgesetz, Öffentlichkeitsgesetz, 3 éd., 2014 [BSK DSG/BGÖ], ad art. 7 LTRANS N 3; BERTIL COTTIER/RAINER J. SCHWEIZER/NINA WIDMER, in : Öffentlichkeitsgesetz, ad art. 7 N 3 et 5). 

Cela étant, il revient ensuite à l’autorité d’examiner de cas en cas si les exceptions légales sont réalisées.

En effet, pour que les clauses d'exclusion figurant à l'art. 72 CPDT-JUNE trouvent application, il faut que l'éventuel préjudice consécutif à la divulgation atteigne une certaine intensité et que le risque de sa survenance, selon le cours ordinaire des choses, soit hautement probable(ATAF 2013/50 consid. 8.1, ATAF 2011/52 consid. 6; URS STEIMEN, in BSK DSG/BGÖ, ad art. 7 LTRANS N 4, COTTIER/SCHWEIZER/WIDMER, in: Öffentlichkeitsgesetz, ad art. 7 N 4). Une conséquence mineure ou simplement désagréable engendrée par l'accès ne saurait constituer une telle atteinte(ATF 144 II 77 consid. 3, 142 II 340 consid. 2.2; 133 II 209 consid. 2.3.3). L’atteinte menaçante doit être importante. Si sa survenance ne doit pas apparaître comme certaine, cette atteinte ou menace ne saurait uniquement être imaginable ou possible, au risque de vider de son sens le changement de paradigme introduit par la CPDT-JUNE (ATF 142 II 324 consid. 3.4). 

Comme en général en matière de limitation des droits fondamentaux, ces clauses d'exclusion doivent être interprétées restrictivement (TAF, 11 décembre 2019, A-2352/2017, consid. 4.4.2 et réf. cit.; TAF, 25 janvier 2016, A-3649/2014, consid. 8.2.1; 26 mai 2015, A-700/2015, consid. 4.2 et les réf. citée). Dans les cas limites, par exemple lorsque la probabilité de la réalisation de la violation d'intérêts à protéger existe tout en étant faible ou lorsqu'il faut s'attendre à une conséquence négative mineure, il est indiqué d'opter en faveur de l'accès (TAF, 11 décembre 2019, A-2352/2017, consid. 4.4.2 et réf. cit; TAF, 18 mai 2015, A-6054/2013, consid. 3.2; 28 octobre 2014, A-6291/2013,  consid. 7; voir aussi Office fédéral de la justice [OFJ], Loi sur la transparence: guide pour l'appréciation des demandes et check-list, du 2 août 2013, p. 5). Dans tous les cas, en application du principe de la proportionnalité, lorsqu'une limitation paraît justifiée, l'autorité doit choisir la variante la moins incisive et qui porte le moins possible atteinte au principe de la transparence (TAF, décembre 2019, A-2352/2017, consid. 4.4.2 et réf. cit.; ATF 142 II 324 consid. 3.3; 142 II 313 consid. 3.6; ATAF 2013/50 consid. 9.3; TAF, 6 août 2018, A-6475/2017 du consid. 3.2.2; 3 avril 2018, A-3367/2017, consid. 3.4).

En application du principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.), l‘accès à un document officiel ne peut pas simplement être refusé lorsque le document exigé contient des informations qui ne sont pas accessibles. Dans ce cas, il convient plutôt – et autant que possible – de le restreindre, à savoir garantir un accès partiel aux informations du document, ceci par l‘anonymisation, le caviardage, la publication partielle. l‘ajournement (TAF, 9 janvier 2024, A-1310/2022, consid. 6.3.2; TAF, 1er novembre 2023, A-5260/2021, consid. 3.3 et réf. cit.), ou un résumé (TAF, 11 décembre 2019, A-2352/2017, consid. 6.2 et réf. cit.).

 

Liste des restrictions admises

Les motifs de restriction d'accès légitimes, pour autant que les conditions d'application soient réalisées, sont que le document (ou son accès) :

  1. Est déjà accessible sur internet.

  2. A déjà été transmis dans les 12 derniers mois.

  3. Est un PV d'une séance non publique (exemples).

  4. A trait à des procédures civiles, pénales, administratives contentieuses et arbitrages pendant ? (pour plus de détails).

  5. A été archivé selon la loi cantonale sur l'archivage (NE : LArch, RSN 422.20; JU : RSJU 441.21)

  6. Fait l'objet d'une interdiction d'accès dans une loi spéciale (exemples).

  7. Engendre un travail manifestement disproportionné pour être accessible (pour plus de détails).

  8. N'a pas été totalement ou partiellement créé dans le cadre de l'accomplissement d'une tâche prévue par la loi (pour plus de détails).

  9. Fait l'objet d'une commercialisation.

  10. N'est pas définitif (pour plus de détails).

  11. Est totalement ou partiellement destiné à un usage personnel (pour plus de détails).

  12. Peut être totalement ou partiellement être qualifié de notes internes (pour plus de détails).

  13. Peut mettre en danger la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique.

  14. Compromettre la politique extérieure de l’autorité.

  15. Entraver l’exécution de mesures concrètes d’une entité (pour plus de détails).

  16. Affaiblir la position de négociation d’une entité.

  17. Influencer le processus décisionnel d’une entité (pour plus de détails).

  18. Contient des données personnelles et que sa communication n’est pas autorisée par les règles applicables en matière de protection des données, à moins que la communication ne soit justifiée par un intérêt public prépondérant (pour plus de détails).

  19. Révèle des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires (pour plus de détails).

  20. Révèle des informations fournies librement par un tiers à une entité qui a garanti le secret (pour plus de détails).

Si aucun motif n'est réalisé, le document est donc accessible sans restriction.

Motivation d'une restriction d'accès

Si l'entité entend refuser la consultation de pièces faisant l'objet d'une procédure d'accès, elle est en principe tenue de communiquer à tout le moins et rapidement aux demandeurs une version caviardée ou un résumé du contenu essentiel des documents (lorsque le caviardage les rend incompréhensibles), si elle les utilise à leur détriment. Elle doit indiquer clairement, au plus tard dans ses observations/son recours adressé/s à la Commission de protection des données et de la transparence, les motifs qui l’on conduit à considérer que telle ou telle information ne pouvait pas être consultée. Les explications doivent être convaincantes, à savoir être précises et claires, complètes et cohérentes (TAF, A-2352/2017, 11 décembre 2019, consid. 4.3; TAF, A-6/2015, 26 juillet 2017, consid. 4.1). Une motivation sommaire n'est pas admissible. La détermination doit indiquer clairement les motifs qui ont conduit l'autorité à considérer que tel ou tel document ne pouvait pas être consulté ou seulement partiellement (TAF, A-2352/2017, 11 décembre 2019, consid. 6.2). Le Tribunal fédéral a d'ailleurs affirmé que de simplement prétendre qu'une restriction peut être opposée à la demande "n'est pas suffisant pour motiver un refus d'accès à un document public"(TF, 1C_412/2022, 9 août 2023, consid. 5.4). Autrement dit, une simple affirmation ne peut pas renverser la présomption en faveur du libre accès aux documents officiels.

Dans tous les cas, un refus doit contenir au minimum les éléments figurant dans ce modèle.

Aspects procéduraux

A. Fardeau de la preuve

Dès lors, si l'autorité décide de limiter ou refuser l'accès à des documents officiels, elle supporte le fardeau de la preuve destiné à renverser la présomption du libre accès aux documents officiels, instituée par la LTrans. En d'autres termes, elle doit exposer pour quel motif et dans quelle mesure une exception légale est réalisée. Le législateur a procédé de manière anticipée à une pesée des intérêts en cause, dans la mesure où il énumère de manière exhaustive les différents cas où les intérêts publics ou privés apparaissent prépondérants (arrêt du Tribunal fédéral du 20 novembre 2020 1C 59/2020, consid. 4.1.).

Motivation de la décision et du recours

Une entité ne peut pas se contenter de renvoyer à la disposition légale qu'elle estime applicable pour limiter l'accès à un document officiel, afin d'éviter d'en dévoiler le contenu. Elle devra plutôt opter pour une motivation descriptive afin de protéger les intérêts qui s’opposent à la communication des renseignements requis. En outre, pour compenser les exigences réduites en matière de motivation, il ne faut pas imposer des exigences très élevées à la motivation du recours dans la procédure ultérieure (arrêt du Tribunal administratif fédéral du 29 août 2023, A-4639/2022, consid. 6.3.2; arrêt du TF 1C_597/2020 du 14 juin 2021 consid. 5.3; arrêt du Tribunal administratif fédéral du 7 septembre 2022, A-1822/2021, consid. 3.4).

B. Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral

Contrairement au droit cantonal, revu sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral contrôle librement l'application du droit intercantonal (arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2018 1C_472/2017, consid. 2.1.).

C. Droit d'être entendu

S'agissant du droit d'être entendu, il y a lieu de relever que le Préposé est une simple instance de conciliation entre le requérant et le maître du fichier, respectivement le détenteur de documents officiels. En cas d'échec de la conciliation, l'affaire est portée devant la commission qui, seule, dispose d'un pouvoir décisionnel. Il n'est dès lors pas évident que l'intimée devait disposer d'un droit d'être entendu devant le Préposé, et que la convention soit lacunaire sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2018 1C_472/2017, consid. 1.4.).

La renonciation à entendre les personnes ne peut être qu’exceptionnelle et elle suppose une justification appropriée. Le TF n’a jusqu’ici renoncé que dans un seul cas à imposer la consultation ; les données personnelles des quarante fournisseurs de la Confédération les plus importants, d’après le montant des commandes à eux passées en 2011, étaient alors en cause. Le TF a renoncé à leur consultation parce que dans les circonstances de ce cas, on ne discernait pas quels étaient les arguments supplémentaires que les fournisseurs auraient pu soulever s’ils avaient été consultés. On ne devait pas sérieusement prévoir qu’il existaitt des intérêts privés non encore identifiés et susceptibles de conduire à un résultat autre que celui de la pesée anticipée des intérêts. La consultation des quarante fournisseurs aurait été de plus laborieuse et compliquée. Les fournisseurs avaient exécuté des prestations dont la divulgation sous forme de l’énumération brute de leur ampleur et de leur nature ne pouvait sérieusement, en principe, causer aucun préjudice. Dans une large mesure, les noms des fournisseurs avaient déjà été publiés lors des procédures d’adjudication. (ATF 142 II 340 consid. 4.6.6 ss).

Autrement dit, il Il peut être exceptionnellement renoncé à l'audition à deux conditions. Premièrement, la pesée préliminaire des intérêts doit être si clairement en faveur de la publication qu'il ne faut pas sérieusement s'attendre à ce qu'il existe des intérêts privés non encore identifiés qui pourraient conduire à un autre résultat. Deuxièmement, la mise en oeuvre du droit de consultation doit paraître disproportionnée, notamment parce que l'audition entraînerait des frais excessifs ou entrerait en conflit insoluble avec le but fondamental de la loi sur la transparence, qui est d'instaurer la transparence sur l'activité administrative(TAF, 29 février 2024, A-4708/2022, consid. 8.3.1; TF, 5 février 2016, 1C_50/2015, consid. 6.3).

Refus d’accès au document : Recommandation du PPDT GE du 30 janvier 2020.

D. Procédure en cours (art. 69 al. 2 CPDT-JUNE)

Il faut au contraire distinguer, comme le fait le Préposé fédéral, d'une part, entre les documents élaborés en dehors d'une procédure judiciaire (et pas non plus explicitement en vue d'une telle procédure) et, d'autre part, les documents qui ont été ordonnés expressément dans le cadre d'une procédure judiciaire (par exemple un échange d'écritures ou une expertise mise en œuvre par les autorités judiciaires). C'est seulement pour ces derniers que le principe de la transparence ne s'applique pas; les autres documents demeurent accessibles en vertu du principe de la transparence (cf. STAMM-PFISTER, op. cit., ibid. ). D'ailleurs, selon la pratique du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) :

[...] il n'est pas possible d'exclure l'application de la LTrans lorsque, dans le cadre de la procédure pendante, les documents en question constituent uniquement des moyens de preuve et ne sont ni directement en relation avec la décision attaquée, ni étroitement liés à l'objet du litige; admettre l'application de l'art. 3 al. 1 let. a LTrans dans un tel cas équivaudrait à permettre [...] de contourner sciemment le but de la loi sur la transparence par la simple production des documents demandés dans une procédure quelconque avec laquelle ils n'entretiennent qu'un lien lâche" (recommandation du PFPDT du 2 décembre 2019 ch. 15).

Les termes "ayant trait" (art. 69 al. 2 CPDT-JUNE) et "concernant" (art. 3 let. a LTrans) se comprennent ainsi comme visant des documents qui concernent précisément la procédure au sens strict (actes qui émanent des autorités judiciaires ou de poursuite ou qui ont été ordonnés par elles) et non ceux qui peuvent se trouver dans le dossier de procédure au sens large. (arrêt du Tribunal fédéral du 12 janvier 2021 1C_367/2020, consid. 3.4).

En d'autres termes, s'il ne s'agit pas d'une pièce établie par l'autorité judiciaire ou sous son égide (comme le serait une expertise judiciaire par exemple), mais d'un document élaboré en dehors de toute procédure judiciaire qui a simplement été déposé dans les dossiers civils et pénal, le document n'est pas exclu du champ d'application à raison de la matière de la CPDT-JUNE. (arrêt du Tribunal fédéral du 12 janvier 2021 1C_367/2020, consid. 3.5).

Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme

L’application de la CPDT-JUNE doit également prendre en compte l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) Magyar Helsinki Bizottság contre Hongrie (Grande Chambre) du 28 novembre 2016 req. n° 18030/1.

Une partie de la doctrine s’est montrée critique – notamment à la suite de l’arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság (ALEXANDRE FLÜCKIGER/VALÉRIE JUNOD, La reconnaissance d’un droit d’accès aux informations détenues par l’Etat fondée sur l’art. 10 CEDH, in : Jusletter 27 février 2017, p. 24 ss.), à l’égard de l’interprétation donnée par la jurisprudence des exceptions à la transparence qui veut que comme une pesée des intérêts a été opérée en amont par le législateur, elle ne doit pas être pratiqué dans un cas concret.

Or, un examen attentif de la portée de cette jurisprudence conduit à considérer qu'elle est compatible avec l'arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság. Pour le démontrer, il convient d’analyser tout d'abord cet arrêt, la Suisse étant liée par la jurisprudence de la Cour EDH puis de le considérer à l'aune de la pratique tirée de la CPDT-JUNE.

L’arrêt de la Cour EDH du 28 novembre 2016 consacre la reconnaissance d’un droit d’accès aux informations détenues par un Etat fondée sur l’art. 10 CEDH, à certaines conditions. Il faut tout d’abord que la demande d’accès ait pour but d’exercer « sa liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées » (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §158); autrement dit, que les documents requis soient nécessaires à la liberté d’expression du demandeur. Il s’agit là, selon les termes même de la Cour EDH, d’une « condition préalable ». Le deuxième critère a trait à la nature des informations recherchées, lesquelles doivent généralement présenter un intérêt public. Les demandes visant à satisfaire un goût pour le sensationnel et le voyeurisme ne sont pas protégées par l’art. 10 CEDH ((arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §162arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2016 du 31 août 2017 consid. 5.5). Troisièmement, le statut du demandeur doit être pris en compte. Celui-ci doit assumer « un rôle particulier de réception et de communication au public des informations qu’il recherche » (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §164). La Cour EDH évoque en particulier la presse et les ONG, tout en rappelant le niveau de protection élevé dont bénéficient d’autres « chiens de garde publics » (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §168). Le quatrième critère tient à la disponibilité des informations sollicitées (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §169), en ce sens que dans l’appréciation globale de la question de savoir s’il y a ingérence de l’Etat dans la liberté d’expression protégée par l’art. 10 CEDH, le fait qu’aucun travail de collecte de données n’est nécessaire constitue un élément important (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §170).

La condition et les critères ainsi dégagés par la Cour EDH étaient à l’évidence satisfait dans l’affaire en question qui mettait aux prises une ONG demandant des informations relatives aux avocats commis d’office et l’Etat hongrois qui les refusait au motif qu’elles contenaient des données personnelles non soumises à divulgation selon le droit hongrois. L’ingérence de l’Etat hongrois étant reconnue, la Cour a examiné dans un deuxième temps si elle était justifiée par une base légale suffisante, un but légitime et était « nécessaire dans une société démocratique » (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §181). C’est ce dernier point – celui de la proportionnalité – qui a posé problème, en particulier parce que la loi hongroise – du moins telle qu’interprétée par les juridictions nationales – excluait toute « appréciation sérieuse » du droit à la liberté d’expression (qui inclut celui de recevoir des informations) de la demanderesse (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §199). Aucune pesée des intérêts en présence n’était possible : la seule présence de données personnelles dans les documents requis empêchait leur divulgation sans qu’il ne soit procédé à un « contrôle minutieux » de la restriction du droit d’accès que la demanderesse pouvait tirer de l’art. 10 CEDH. La Cour EDH a condamné ce schématisme en imposant qu’il soit toujours procédé à une pesée des intérêts en présence au cas d’espèce (aussi le commentaire de ISABELLE HÄNNER, Oeffentlichkeitsprinzip in der Steuerverwaltung, in : Expert Focus 67/2017, p. 24 ss). 

Contrairement aux attentes (à cet égard la critique de BERTIL COTTIER, Accès aux documents administratifs : La Cour EDH pose des critères précis, in : Medialex 2017 p. 148, 157s), la Cour EDH s’est toutefois bien gardée d’ouvrir un droit d’accès général aux documents en mains d’autorités publiques. Elle a précisé considérer que « l’article 10 CEDH n’accorde pas à l’individu un droit d’accès aux informations détenues par une autorité publique, ni n’oblige l’État à les lui communiquer » (arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság, §156).Ce n’est que lorsque l’accès à l’information est déterminant pour l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression, en particulier « la liberté de recevoir et de communiquer des informations », et que refuser la divulgation de cette information constitue une ingérence qu’un tel droit d’accès peut naître, aux conditions précitées.   

La CPDT-JUNE est plus généreuse à bien des égards puisqu’elle accorde un accès à toute personne, sans justification de son intérêt. Le demandeur peut être mû par la seule curiosité ; il n’est pas exigé que sa demande d’accès s’inscrive dans l’exercice de sa liberté d’expression ni qu’il joue un rôle de sentinelle particulier. Le privilège accordé aux médias se limite à prendre en compte, dans la mesure du possible, les besoins et les contraintes des différents médias (art. 58 CPDT-JUNE). Lorsque des données personnelles figurent dans les documents demandés (comme dans le cas Magyar Helsinki Bizottsàg), l’art. 72 al. 3 let. a CPDT-JUNE impose également – en conformité avec l’arrêt CEDH Magyar Helsinki Bizottság – de mettre en balance les intérêts à la transparence et ceux au respect de la sphère privé. Elle n’exclut ainsi pas automatiquement, contrairement à la loi hongroise, la divulgation de tels documents. 

En revanche, dans les situations saisies par l’art. 72 al. 1 à 3 CPDT-JUNE, l'accès est nié sans qu'il soit procédé à une véritable pondération des intérêts en présence, le législateur ayant anticipé cette mise en balance. Il faut relever dans ce contexte que le Tribunal fédéral a confirmé cette interprétation à la faveur d'un arrêt prononcé le 27 septembre 2017 (ATF 144 II 77 consid. 3 et 5.7) soit après celui de la CEDH, sans qu’il soit fait référence à ce dernier, quand bien même le demandeur était un journaliste et que le Tribunal fédéral a rappelé que les libertés de l’information et des médias consacrées aux art. 16 et 17 Cst. pouvaient être invoquées à l’appui de la requête d’accès, le principe de la transparence contribuant à leur réalisation.

Ainsi, la jurisprudence est conforme aux prescriptions de l'arrêt Cour EDH Magyar Helsinki Bizottság, dans la mesure où elle impose à l’autorité saisie d’évaluer in casu si la divulgation porterait une atteinte sérieuse et importante aux intérêts prédéfinis in abstracto par le législateur à l’art. 72 al. 1 à 3 CPDT-JUNE. En effet, la protection des documents concernés doit être indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public ou privé reconnu par le législateur comme prépondérant en cause. Pour ce faire, trois conditions doivent être remplies :

  1. Un intérêt public ou un intérêt privé.

  2. Un intérêt public ou privé reconnu in abstracto comme prépondérant.

  3. Une protection du document qui soit in concreto indispensable à la sauvegarde de celui-ci. Elle est indispensable si elle est absolument nécessaire, en ce sens que, si l’accès aux documents est accordé, l’intérêt public ou privé important prédéfini en cause serait gravement affecté.

L’autorité doit donc bien procéder à une évaluation au cas par cas, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce, faute de vider de son sens le régime des exceptions à la transparence

Cette méthode, appelée aussi « test du préjudice » délègue à l’autorité l’examen de l’existence d’une atteinte (PIERRE MOOR/ALEXANDRE FLÜCKIGER/VINCENT MARTENET, Droit administratif, vol. I, Berne 2012, n° 7.2.4.3, p. 966 ; ANNINA KELLER/DANIEL KÄMPFER, Öffentlichkeitsgesetz: Gerichte stärken das Recht auf Zugang zu Verwaltungsakten, in: Medialex 2018 p. 79 n° 35 ; KELLER/KÄMPFER Öffentlichkeitsgesetz: die neuere Rechtsprechung im Lichte des gesetzgeberischen Konzepts und seinen Stolpersteinen, in: Medialex 2017 p. 95 n° 26; URS STEIMEN, in BSK DSG/BGÖ, ad art. 7 LTRANS N 4). En ce sens, elle lui ménage ainsi une certaine et nécessaire marge d’appréciation conforme au principe de la proportionnalité, quand bien même la jurisprudence s’est montrée exigeante tant dans l’évaluation de l’atteinte que dans le risque de réalisation de celle-ci. 

Si ce test n’implique pas la même pesée des intérêts que celle prescrite en présence de données personnelles, on est néanmoins loin de l’automatisme épinglé par l’arrêt de la Cour EDH Magyar Helsinki Bizottság, comme il a été exposé précédemment. De surcroît, en vertu du principe de la proportionnalité, l’accès à la documentation protégé par l’un des intérêts figurant à l’art. 72 al. 1 à 3 CPDT-JUNE ne serait pas purement refusé : seules les parties concernées devraient faire l’objet d’une restriction. A cela s’ajoute encore que la jurisprudence CEDH Magyar Helsinki Bizottság ne trouve application que dans des conditions spécifiques, au premier chef desquelles, il faut que soit en jeu la liberté d’expression du demandeur, ce qui n’est pas le cas de toutes les demandes.

Ainsi, l'arrêt de la Cour EDH Magyar Helsinki Bizottság ne remet pas en cause les interprétations jurisprudentielles des arts. 72 al. 1 à 3 CPDT-JUNE.

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