Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Transmission d'informations entre professionnels de la santé et autres professionnels de l'école

Protection des données

Informations sur la transmission d’informations confidentielles entre les professionnels de la santé et les autres professionnels de l’école

Document 2023.4761 repris par le PPDT le 20 juin 2023

Texte tiré du document du Service neuchâtelois de la santé publique, en format PDF ci-dessous

* Les considérations qui suivent reflètent l’avis du service cantonal de la santé publique (SCSP) et sont transmises à titre informatif à l’attention des professionnels œuvrant dans le domaine scolaire.

En cas de doutes ou de litige, il est conseillé de consulter un juriste, avocat et/ou les syndicats.

Objectifs
Dans le but de renforcer la confiance des élèves et de leurs parents envers l’institution scolaire et les professionnels qui y travaillent, le présent document vise à clarifier une saine gestion de la confidentialité, en milieu scolaire et vers l’extérieur, des informations personnelles propres aux élèves.

Introduction
Les infirmiers et les médecins scolaires font partie des acteurs centraux en matière de santé scolaire. La santé scolaire consiste en le suivi et la promotion de la santé dans les écoles. Cette branche de la santé découle de l’approche notamment prônée par l’organisation mondiale de la santé (OMS) qui considère la santé comme un état de complet bien-être physique, psychique et social et non comme une simple absence de maladie ou d’infirmité.

Santé et éducation sont étroitement liées : la bonne santé des enfants apparaît comme étant une condition essentielle à l’obtention d’une éducation de qualité et inversement, une éducation favorable à la santé permet aux enfants de posséder les clés pour maintenir et améliorer leur santé tout au long de leur vie. De plus, le milieu éducatif constitue le quotidien des jeunes pendant 14 ans au minimum. Afin d’améliorer la santé de la population, développer l’expansion de la santé au sein des établissements scolaires est donc primordial.

Un non-respect de la confidentialité de données personnelles peut occasionner une rupture de confiance entre l’élève et le professionnel et/ou être source de situations conflictuelles non souhaitables.
À l’inverse, une politique basée sur le respect de la confidentialité contribue à l’établissement de liens de confiance, offrant aux élèves un cadre bienveillant favorable à leur développement physique, psychique et social.

1. Cadre légal du secret

En droit suisse, deux types de secret sont protégés par le Code pénal : le secret professionnel et le secret de fonction.

Toute personne soumise à l’un de ces secrets et commettant une violation encourt, de ce fait, des sanctions pénales. L’obligation de garder le secret étant également un devoir professionnel, une mesure disciplinaire est aussi encourue (article 62 de la loi de santé neuchâteloise (LS) et articles 45-46 de la loi sur le statut de la fonction publique (LSt)).

Dans la mesure où le professionnel de santé effectue un traitement des données de ses patients, ces derniers sont également soumis à la CPDT-JUNE, convention en matière de protection des données et de la transparence, qui leur confère un certain nombre de devoirs. Cet aspect ne sera cependant pas détaillé ci-dessous.

A. Secret professionnel

a.     Principe

Le secret professionnel (communément dénommé médical) est protégé par l’article 321 du Code pénal. Cet article institue une obligation de confidentialité renforcée à l’égard d’un nombre déterminé de professions1 dont les médecins, les infirmiers et leurs auxiliaires font partie mais aussi les ecclésiastiques et les avocats, par exemple.

La notion d’auxiliaire n’est pas définie par la loi. Selon la doctrine, sont rassemblées sous la dénomination d’auxiliaire toutes les personnes qui apportent un soutien étroitement lié à l’exercice de l’activité et qui sont, dans ce cadre, appelées à prendre connaissance du secret au sens de l’art. 321 du Code pénal. Dans sa conception classique, la notion d’auxiliaire fait référence aux personnes exerçant une activité médicale sous la supervision d’un professionnel.

Dans sa conception élargie, elle fait également référence au personnel non médical, tel que le personnel de nettoyage par exemple2.

Pour qu’une violation du secret professionnel soit retenue, il faut qu’un secret confié ou appris dans l’exercice de la profession ait été révélé par la personne soumise au secret et que la personne lésée porte plainte.

Est considéré comme un secret au sens du Code pénal toute information non notoire et non publique, qui est connue par un nombre limité de personnes et pour laquelle la personne concernée a demandé à ce que l’information reste secrète ou a un intérêt à ce qu’elle le reste.

La notion d’intérêt est ici à comprendre dans son sens juridique : a un intérêt à ce que l’information reste secrète toute personne qui, du fait de la révélation de celui-ci, subirait une atteinte à un de ses droits (vie privée, honneur, ...)3. En d’autres termes, le professionnel ne peut invoquer le bien de l’enfant pour déroger à son obligation de garder le secret si aucune loi ou autorité compétente ne l’y autorise. Il-elle n’est pas compétent pour apprécier lui-elle-même si le bien de l’enfant prévaut sur son obligation à garder le secret.

Dans le cadre de l’exercice d’une profession de la santé, le secret ne concerne donc pas uniquement les données médicales mais toutes les informations remplissant les critères susmentionnés. A notamment été retenu qu’étaient protégées par le secret la situation personnelle ou professionnelle du-de la patient , l’existence même de la relation médicale ou encore la simple entrée du-de la patient  dans l’établissement de santé4.

Cela concerne aussi le cas de figure de la consultation d’une structure (infirmière scolaire, médecin scolaire, ...) demandée par un élève.
Une information anonyme n’est pas couverte par le secret. Attention cependant, l’absence de nom dans les informations transmises ne garantit pas nécessairement l’anonymat, il est nécessaire que les personnes concernées par ces données ne soient pas identifiables.
Le secret professionnel est un élément central de la relation de confiance entre le professionnel de la santé et son-sa patient  ou la personne qui le consulte, il permet de protéger la sphère privée.

On entend par révélation du secret, une révélation à un tiers qu’elle soit effectuée de manière active ou passive et quelle qu’en soit la forme (écrite, orale, ...). L’infraction peut être commise par dol éventuel, par exemple si le professionnel de santé n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’un tiers n’accède de manière indue aux informations couvertes par le secret. À par exemple été reconnu coupable de violation du secret professionnel par révélation passive, un médecin qui avait laissé le dossier médical d’un de ses patients dans la salle d’attente, à la vue de tous.

Il n’y a pas de révélation lorsque le destinataire avait déjà une connaissance complète et certaine du secret5. On reconnaît comme étant un tiers toute personne qui ne fait pas partie du cercle des détenteurs, c’est-à-dire les personnes au courant du secret.

Le secret professionnel n’est soumis à aucune limite temporelle : il doit être gardé par le professionnel jusqu’à sa mort. La fin de la relation thérapeutique ou de l’activité médicale ne met pas fin à l’obligation. Une violation du secret professionnel est punissable d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

b.     Limites

i.     Consentement du patient

L’article 321 alinéa 2 du Code pénal mentionne que la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l’intéressé. Le consentement peut être donné sous n’importe quelle forme (écrite, orale, tacite, ...) et est révocable en tout temps. Le consentement tacite du patient a par exemple été reconnu lorsqu'une communication a été faite en présence de l'intéressé et qu'il n’a pas contesté6 ou lorsqu'un patient a cité son-sa médecin au tribunal en qualité de témoin7. Le consentement par actes concluants n'a pas été retenu pour les proches d'un patient qui lui rendaient visite souvent et entretenaient des contacts étroits avec le patient et avec le personnel soignant. Le Tribunal fédéral a retenu que cela ne valait pas libération du secret pour les soignants envers ces personnes8.

Pour que le consentement donné soit juridiquement valable, il doit être libre et éclairé. Le consentement est libre tant qu’il n’est pas entaché d’un vice (menace, tromperie, contrainte, ruse ou erreur) et qu’il n’est pas contraire au droit ou aux bonnes mœurs. Un consentement est éclairé lorsque la personne dispose de toutes les informations nécessaires pour prendre sa décision.

Le droit de consentir à la levée du secret professionnel est un droit strictement personnel sujet à représentation (art. 19c CC)9. Une personne capable de discernement pourra donc exercer ce droit seule. Si la personne concernée n’est pas capable de discernement, le droit de consentir à la révélation de son secret appartient à son-sa représentant légal. Lorsqu’il s’agit d’un mineur incapable de discernement, les personnes aptes à le représenter sont les détenteurs de l’autorité parentale. L’évaluation de la capacité de discernement est décisive quand on cherche à savoir dans quelle mesure les parents doivent être informés et impliqués dans les décisions médicales.

Selon l’article 16 du Code civil, toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est présumée être capable de discernement. La faculté d’agir raisonnablement comprend deux aspects : l’aspect intellectuel (faculté de percevoir et de comprendre une situation déterminée et de se forger une opinion puis de prendre une décision) et l’aspect caractériel (aptitude à décider selon sa volonté, sur la base de sa propre appréciation de la situation)10.

Le simple fait que le patient soit atteint de troubles cognitifs ou d’une maladie psychiatrique ne signifie pas forcément que sa capacité de discernement est altérée. Concernant le critère du jeune âge, aucune limite fixe n’a été arrêtée en droit suisse, cette notion est donc sujette à interprétation et appréciée au cas par cas. Certains auteurs de doctrine ont tenté de préciser les contours de cette évaluation.

Tableau d’aide pour l’évaluation de la capacité de discernement dans le contexte médical 11

Le professionnel soumis au secret devra déterminer si, selon lui, la personne dont il garde le secret est capable ou non de discernement pour savoir si la personne est apte à donner un consentement juridiquement valable ou si elle doit se tourner vers son représentant légal pour obtenir ce consentement. Si le professionnel de santé estime que le patient n’a pas la capacité de discernement, il n’est donc pas tenu de garder le secret face à ses représentants légaux. Ce sera ensuite aux représentants légaux de décider quelles informations pourront être transmises à qui.

En cas de litige, il incombera au professionnel de santé de prouver l’incapacité de discernement du patient12. Tous les moyens de preuve pourront alors être utilisés (témoignages, tests de capacité cognitive, expertises, ...).


ii.      Levée du secret par l’autorité

L’article 321 alinéa 2 du Code pénal mentionne que la révélation ne sera pas punissable si, sur la proposition du détenteur du secret, l’autorité supérieure ou l’autorité de surveillance l’a autorisé par écrit.

Seul le professionnel soumis au secret peut en demander la levée à l’autorité compétente. L’article 63 de la loi de santé du canton de Neuchâtel précise la procédure en la matière : les personnes tenues au secret professionnel peuvent en être déliées, soit, à leur demande, par décision du département, sur préavis du médecin cantonal, soit par le patient lui-même. Le professionnel doit donc effectuer sa demande au médecin cantonal.

Le professionnel de santé doit requérir la levée du secret lorsqu’il estime qu’un intérêt privé ou public important justifie une communication d’informations couvertes par le secret à des tiers et ce, malgré que le consentement du patient n’ait pas été obtenu (pour cause de refus ou d’inaptitude). L’autorité compétente effectuera alors une pesée des intérêts en jeu pour savoir si le secret doit être levé ou non et rendra une décision écrite.

https://www.ne.ch/autorites/DFS/SCSP/medecin-cantonal/Pages/D%C3%A9liement-du-secret-professionnel.aspx


iii.     Cas autorisés par la loi

L’article 321 alinéa 3 du Code pénal énonce enfin que demeurent réservées les dispositions de la législation fédérale et cantonale statuant un droit d’aviser une autorité et de collaborer, une obligation de renseigner une autorité ou une obligation de témoigner en justice. Cette disposition signifie que si le professionnel soumis au secret dispose également de par la loi d’un droit ou d’un devoir de communiquer des informations à une autorité, une violation de l’article 321 du Code pénal ne pourra pas être retenue. Le détenteur du secret devra cependant ne communiquer que les informations nécessaires, conformément au principe de proportionnalité.

Un des cas autorisés par la loi concerne les communications à l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA).

L’article 314c du Code civil (CC) traite du droit d’aviser l’autorité. Il énonce que toute personne a le droit d’aviser l’autorité de protection de l’enfant que l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’un enfant semble menacée. Il précise explicitement que les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal ont elles aussi le droit d’aviser l’autorité lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie, sauf les auxiliaires.

L’article 453 alinéa 2 du Code civil instaure également que s’il existe un réel danger qu’une personne ayant besoin d’aide mette en danger sa vie ou son intégrité corporelle ou commette un crime ou un délit qui cause un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui, l’autorité de protection de l’adulte, les services concernés et la police sont tenus de collaborer. Dans un tel cas, les personnes liées par le secret de fonction ou le secret professionnel sont autorisées à communiquer les informations nécessaires à l’autorité de protection de l’adulte.
Une autre exception au secret professionnel admise par la loi existe en matière de consommation de stupéfiants.

L’article 3c de la Loi sur les stupéfiants et les produits psychotropes (LStup) énonce que les services de l’administration et les professionnels œuvrant dans les domaines de l’éducation, de l’action sociale, de la santé, de la justice et de la police peuvent annoncer aux institutions de traitement ou aux services d’aide sociale compétents les cas de personnes souffrant de troubles liés à l’addiction ou présentant des risques de troubles, notamment s’il s’agit d’enfants ou de jeunes, lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  1. Ils les ont constatés dans l’exercice de leurs fonctions ou de leur activité professionnelle ;

  2. Un danger considérable menace la personne concernée, ses proches ou la collectivité ;

  3. Ils estiment que des mesures de protection sont indiquées.

Si l’annonce concerne un enfant ou un jeune de moins de 18 ans, son représentant légal en est également informé à moins que des raisons importantes ne s’y opposent (art. 3c al. 2 LStup).

Il existe également une obligation de déclarer certaines informations aux autorités compétentes en cas d’épidémie. En vertu de l’article 12 de la Loi sur les épidémies (LEp) et de l’article 10 LS, les médecins, les hôpitaux et d’autres institutions sanitaires publiques ou privées sont tenus de déclarer au médecin cantonal et à l’OFSP les observations liées à des maladies transmissibles, y compris les informations permettant d’identifier les personnes malades, infectées ou exposées.

Il existe d’autres cas pour lesquels la loi autorise les professionnels à outrepasser le secret professionnel mais il n’est pas possible de tous les mentionner. Des dérogations existent en principe lorsque l’intérêt public à ce qu’une information protégée par l’article 321 du Code pénal soit dévoilée dépasse l’intérêt privé des personnes concernées par le secret.

B. Secret de fonction

a.     Principe

Le secret de fonction est protégé par l’article 320 du Code pénal. Cet article énonce que celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Alors que le secret professionnel vise à garantir un sentiment de confiance des patients envers le corps médical, le secret de fonction protège l’intérêt public au bon fonctionnement de l’activité étatique.

Le secret de fonction est une infraction dite propre, elle ne peut être commise que par un fonctionnaire. Les infirmiers et les médecins scolaires sont des fonctionnaires au sens de l’article 110 alinéa 3 du Code pénal.
Les notions de secret et de révélation sont comparables à celles de l’article 321 du Code pénal (voir 1.A.a.). Le secret doit avoir été appris par le fonctionnaire dans le cadre de sa charge officielle et il devra disposer d’un motif justificatif s’il s’apprête à communiquer des informations en lien avec son activité. Des informations anonymes semblent pouvoir être communiquées du moment qu’il n’est pas possible d‘identifier la personne concernée et que l’information ne doit pas, par nature, être protégée (secret de service, fonctionnement secret d’une structure, ...)13.

L’alinéa 1 précise également que la révélation demeure punissable alors même que la charge ou l’emploi a pris fin.

L’article 20 de la loi sur le statut de la fonction publique vient apporter quelques précisions sur le secret de fonction. En premier lieu, il rappelle qu’il est interdit aux titulaires de fonctions publiques de divulguer des faits dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur activité officielle et qui doivent rester secrets en raison de leur nature, des circonstances ou d'instructions spéciales. Dans les mêmes limites, il leur est également interdit de communiquer à des tiers ou de s'approprier, en original ou en copie, des documents de service établis par eux-mêmes ou par autrui.

Ces obligations subsistent après la cessation des fonctions.

Il est enfin important de noter que contrairement au secret professionnel, le secret de fonction est poursuivi d’office, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que la personne lésée par le comportement de l’auteur porte plainte pour que ce dernier soit poursuivi.

b.     Limites

i.     Levée du secret par l’autorité

L’article 320 alinéa 2 du Code pénal dispose que la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure. Dans le canton de Neuchâtel, c’est le chef du département concerné qui est compétent pour autoriser (par écrit) les titulaires de fonctions publiques à déposer en justice sur des faits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur activité officielle (article 23 alinéa 1 LSt).

ii.     Consentement du maître du secret

Contrairement à l’article 321 du Code pénal, l’article 320 du Code pénal ne prévoit pas que le secret puisse être levé par le consentement de la personne intéressée. Cependant, une partie importante de la doctrine reconnait que le consentement du maître du secret constitue un motif justificatif extra-légal et est donc une exception au secret de fonction. Pour être invocable, il faudra néanmoins que le secret touche de façon prépondérante la sphère privée du particulier et qu’il n’existe aucun intérêt public indépendant justifiant son maintien.

L’exception du « secret partagé » découle du consentement tacite du maître du secret.
Les développements évoqués au 1.A.a.b.i concernant la capacité de discernement du mineur sont également applicables.

iii.      Cas autorisés par la loi

La doctrine semble également admettre qu’il est possible de communiquer des informations à des tiers sans se faire délier du secret dans les limites du cadre légal.
Il n’y a pas de révélation punissable au sens de l’article 320 du Code pénal lorsque l’information couverte par le secret est communiquée à des personnes autorisées à en prendre connaissance. Le fait que le destinataire soit lui-même soumis au secret de fonction ou au secret professionnel ne permet pas à lui seul de justifier la révélation et en principe, le secret de fonction prévaut entre les fonctionnaires d’une même branche de l’administration. Il n’y a toutefois pas de révélation punissable lorsque la communication est dictée par la marche du service14.

Sont aussi considérées comme des cas autorisés par la loi, les situations dans lesquelles les fonctionnaires sont soumis à une obligation ou se sont vus reconnaître un droit de dénoncer ou d’informer une autorité15. Tel est notamment le cas si l’information est transmise à une personne qui, en raison de sa position officielle, doit traiter de l’affaire, que ce soit dans le cadre d’un rapport hiérarchique, d’une entraide, ou encore parce qu’elle appartient à une autorité de recours ou de surveillance16.

C. Articulation entre les deux

Le concours entre le secret professionnel (art. 321 CP) et le secret de fonction (art. 320 CP) fait l’objet d’un flou juridique.
Une partie de la doctrine considère qu’il s’agit d’un concours imparfait et que de ce fait un professionnel de santé fonctionnaire serait soumis uniquement à un des deux secrets selon la nature de ce qui est révélé. Une autre partie de la doctrine prône que le concours entre ces deux infractions est parfait au sens de l’article 49 du Code pénal et qu’elles sont ainsi cumulables17.

Dans le doute, il semble préférable de partir du principe que c’est la solution la plus contraignante qui s’applique. En outre, il n’est pas facile pour les professionnels de distinguer quelle tâche relève de quel domaine s’ils devaient avoir à faire une distinction. Les infirmiers et médecins scolaires, en tant que professionnels avec une double-casquette, semblent ainsi devoir veiller à bien respecter les deux types de secrets protégés par la loi.

2. Application aux professionnels de santé travaillant dans les écoles

Dans le canton de Neuchâtel, les infirmiers ainsi que les médecins scolaires sont soumis à la fois au secret professionnel et au secret de fonction du fait de leurs statuts. Ils doivent donc veiller à respecter ces obligations sous peine de sanction pénale mais aussi civile ou disciplinaire (aspects que l’on n’abordera pas ici).

Au sens du Code pénal, est considéré comme un tiers au secret toute personne qui n’est pas détentrice du secret. Le principe est que si les professionnels de santé communiquent des informations à ces tiers sans le consentement du maître du secret (le patient - l’élève), ils peuvent être poursuivis sur la base de l’article 321 voire de l’article 320 du Code pénal.

A. Communication d’informations aux proches de l’élève

Dans le cadre de la santé scolaire, les infirmiers et les médecins sont essentiellement confrontés à des patients mineurs/élèves. Il faut alors distinguer deux situations :

  • Lorsque le mineur est incapable de discernement :

    • Le parent détenteur de l’autorité parentale a le devoir de le représenter et a donc le droit d’avoir accès aux informations nécessaires. Une communication de la part du professionnel de santé est alors conforme à l’article 321 du Code pénal.

    • Le parent non détenteur de l’autorité parentale peut, conformément à l’article 275a du Code civil, recueillir auprès de tiers qui participent à la prise en charge de l’enfant, notamment auprès de ses enseignants ou de son médecin, des renseignements sur son état et son développement. Une communication de la part du professionnel de santé dans ce cadre est conforme à l’article 321 du Code pénal. Le parent non détenteur de l’autorité parentale ne disposera en revanche d’aucun pouvoir de décision concernant l’enfant, que ce soit au sujet des soins ou de la levée du secret. Il dispose simplement d’un droit à être informé sur l’état et le développement de son enfant s’il en fait la demande.

    • Lorsque les parents disposent de l’autorité parentale conjointe, ils ont pour devoir et pour obligation de prendre ensemble les décisions concernant leur enfant. En cas de désaccord, le professionnel de santé doit donc les inviter à prendre une décision commune sauf si la décision est courante ou urgente ou dans ce cas, le parent qui a la charge de l’enfant pourra décider seul (art. 301 du Code civil).

  • Lorsque le mineur est capable de discernement, ses proches (y compris ses parents) sont considérés comme des tiers au secret et le fait de leur transmettre des informations sans le consentement du mineur constitue une violation de l’article 321 du Code pénal. Le professionnel de santé devra tout de même garder à l’esprit que l’intérêt du mineur implique souvent que ses parents soient associés à la démarche de soins. Il pourra donc tenter d’aborder le sujet avec lui en veillant à ne pas lui mettre la pression car dans le cas contraire, le consentement du patient ne serait plus libre.

Les infirmiers et les médecins devront donc, en premier lieu, déterminer si l’élève qui les sollicite est ou non capable de discernement afin de déterminer le comportement adéquat à adopter.
Dans un arrêt rendu le 2 avril 2008, le Tribunal fédéral a condamné un ostéopathe à une amende dans le cadre d’une procédure disciplinaire car ce dernier avait pratiqué une réduction endo-rectale sur une jeune fille de 13 ans avec l’accord de sa mère mais alors même que la jeune fille s’y opposait18. Il ressort de cette décision qu’en matière médicale, dès que le mineur est capable de discernement, le professionnel de santé doit se baser sur la volonté du mineur et non sur celle de ses représentants légaux.

B. Communication d’informations à d’autres professionnels de santé

Le secret partagé est un cas particulier dans le secret professionnel. Il n’est cependant pas régi à part entière par la loi et son cadre d’application est donc sujet à interprétation.

En général, il est considéré que les communications entre le professionnel soumis au secret et ses auxiliaires - voire même avec le reste de l’équipe médicale - sont autorisées et découlent du consentement tacite ou par actes concluants du patient/élève (le consentement du patient/élève étant lui-même reconnu comme une exception). Ne sont par contre permises dans ce cadre que les communications habituelles et prévisibles.

Selon ce raisonnement, si le patient/l’élève s’oppose explicitement ou semble s’opposer à la révélation du secret aux autres professionnels de santé, l’exception du secret partagé ne peut être invoquée.

C. Communication d’informations aux autres membres de l’établissement

Concernant la communication d’informations à d’autres membres de l’établissement (membres n’étant pas des professionnels de santé), la loi de santé du canton de Neuchâtel vient apporter quelques précisions.

L’article 46f de cette loi énonce qu’avec l’accord de l’élève ou de son représentant légal s’il est incapable de discernement, le professionnel de la santé peut transmettre les informations pertinentes aux enseignants de l’élève. L’article 46g mentionne aussi que si l'élève change d'établissement scolaire ou spécialisé, une copie du dossier de santé scolaire est transmise directement au service de santé de l’établissement qui l'accueillera, avec l’accord de l’élève et/ou de son représentant légal s’il est incapable de discernement.

https://rsn.ne.ch/DATA/program/books/rsne/htm/800.1.htm

Ces dispositions viennent confirmer le principe selon lequel, le consentement de l’élève (ou de son représentant légal s’il est incapable de discernement) doit être recueilli pour une communication licite des informations soumises au secret aux autres membres de l’établissement. Le secret partagé ne peut donc pas être invoqué à l’égard du corps enseignant ou de la direction de l’établissement.

Les enseignants et le personnel de direction de l’établissement étant des fonctionnaires au sens de l’article 110 alinéa 3 du Code pénal, ils sont eux aussi soumis au secret de fonction. Ainsi, lorsque l’infirmier ou le médecin scolaire transmet des informations sur un élève, à sa demande, à un enseignant ou au personnel de direction, ces derniers ne sont pas autorisés à communiquer ce qui leur a été confié à un tiers car ils commettraient une violation de l’article 320 du Code pénal.

D. Communication d’informations à l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA)

Comme expliqué au 1.A.b.iii., la communication d’informations à l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) est légale car c’est un des cas autorisés par la loi. L’infirmier et le médecin scolaire ont le droit, voire sont tenus, de communiquer des informations protégées par le secret à l’APEA, et ce, même sans le consentement du patient, lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie et notamment lorsqu’il existe un réel danger pour l’enfant selon les articles 314c et 453 alinéa 2 du Code civil.

E. Communication d’informations aux autorités administratives ou pénales

Selon la doctrine, la communication d’informations aux autorités administratives ou pénales est légale s’il existe une disposition le permettant : c’est ce qui en fait un cas autorisé par la loi.

Comme expliqué précédemment, l’obligation de dénoncer ou d’informer constitue une exception au secret de fonction et au secret professionnel et les professionnels semblent alors pouvoir communiquer les informations sans recourir à la levée du secret. Cela vaut notamment en matière d’entraide judiciaire ou administrative19.

Il est également accepté que le professionnel soumis au secret communique des informations à ces autorités bien qu’il n’existe pas d’obligation ou de droit de le faire mais seulement si le patient a donné son consentement. Dans un arrêt rendu le 4 septembre 1972, le Tribunal fédéral a par exemple retenu qu’il n’y avait pas violation du secret médical lorsqu’un certificat a été remis à la police en présence du recourant et que celui-ci n’a élevé aucune protestation. Cela correspond à un consentement tacite du patient et il a ainsi été reconnu que le médecin avait été délié du secret par son patient20.

L’article 46f de la loi de santé du canton de Neuchâtel mentionne que le professionnel de la santé transmet à l’autorité de surveillance toutes les données requises par elle, sous forme anonymisée ou agrégée, sous réserve des dispositions fédérales en matière de lutte contre les épidémies. De cet article ressort l’idée que la communication d’informations faite aux autorités doit se limiter aux informations nécessaires et être conforme au principe de proportionnalité. En cas de besoin, il est cependant possible de communiquer ces informations sans encourir de poursuite pour violation du secret professionnel.

Informations-clés :

  • Sont protégées par le secret (professionnel ou de fonction) toutes les données confiées ou apprises par l’infirmier ou le médecin scolaire dans le cadre de leur activité, ne comprend pas uniquement les données médicales (toutes ces données sont également protégées au regard de la protection des données, aspect non détaillé dans ce document).

  • La capacité de discernement peut être présumée à partir de l’âge de 12 ans, mais doit être appréciée au cas par cas tant que l’enfant est mineur.

  • En tant que détenteurs de l’autorité parentale, les parents du mineur incapable de discernement sont ses représentants légaux et ont donc le droit d’avoir accès aux informations médicales le concernant.

  • Un mineur capable de discernement a les mêmes droits en matière de confidentialité qu’une personne majeure capable de discernement, et ce y compris vis-à-vis de ses parents.

  • Le professionnel de santé peut légalement communiquer les informations concernant le mineur/l’élève capable de discernement à toute personne pour laquelle ce dernier ou cette dernière a donné son consentement, dans la limite de ce qui est nécessaire.

  • La loi prévoit plusieurs exceptions qui autorisent l’infirmier ou le médecin scolaire à déroger à son secret sans avoir été délié, il s’agit souvent de cas où l’intérêt public est considéré comme largement supérieur à l’intérêt privé du patient/élève ou que l’intérêt supérieur du patient/élève permet de passer au-dessus de son consentement (santé publique, atteinte à l’intégrité du mineur, dénonciation pénale, …).

Récapitulatif des questions à se poser

  


 

Notes

1 GUILLOD/ERARD, Droit médical, 2020, p. 364, §428      [retour au texte]
2 GUILLOD/ERARD, Droit médical, 2020, p. 364, §428     [retour au texte]
3 ATF 142 IV 65 – ATF 127 IV 122     [retour au texte]
4 DONZALLAZ, Traité de droit médical, Volume II Le médecin et les soignants, p. 3028     [retour au texte]
5 ATF 106 IV 131     [retour au texte]
6 ATF 98 IV 218     [retour au texte]
7 ATF 97 II 370     [retour au texte]
8 2C_37/2018     [retour au texte]
9 GUILLOD/ERARD, Droit médical, 2020, p. 371, §442      [retour au texte]
10 ATF 134 II 235     [retour au texte]
11 MIRABAUD/BARBE/NARRING, Les adolescents sont-ils capables de discernement : une question délicate pour le médecin, Revue Médicale Suisse, 2013. Tableau 3     [retour au texte]
12 ATF 134 II 240     [retour au texte]
13 ERARD, Le secret médical - Etude des obligations de confidentialité des soignants en droit suisse, 2021, p. 185     [retour au texte]
14 ERARD, Le secret médical - Etude des obligations de confidentialité des soignants en droit suisse, 2021, p. 218     [retour au texte]
15 TANQUEREL, Le secret de fonction, p. 60     [retour au texte]
16 CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume II, 2002, p. 628, §33      [retour au texte]
17 GUILLOD/ERARD, Droit médical, 2020, p. 398 §475      [retour au texte]
18 TF 2C_5/2008     [retour au texte]
19 TANQUEREL, Le secret de fonction, p. 60 / DONZALLAZ, Traité de droit médical, Volume II Les médecins et les soignants, p. 3167, §6781 / ERARD, Le secret médical – Etude des obligations de confidentialité des soignants en droit suisse, 2021, p. 380-449 / CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume II, 2002, p. 628, §33     [retour au texte]
20 BGE 98 IV 217     [retour au texte]
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