Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Transmission à l'employeur de données concernant les allocations familiales

Protection des données

Est-il légal pour une caisse d'allocations familiales de verser les indemnités directement aux bénéficiares, sans passer par l'employeur ?

Avis du préposé du 30 juin 2000

Préambule

Le 16 mai 2000, une caisse d'allocations familiales s'adressait au Conseil d'Etat, indiquant que l'un de ses affiliés réclamait qu'elle verse directement les allocations familiales à ses salariés bénéficiaires de telles prestations, et demandant comment elle devait traiter une telle requête vis-à-vis de la loi sur la protection de la personne ainsi que sur le prélèvement de l'impôt à la source des personnes qui y sont soumises.

Afin de mieux comprendre la question posée par ce bureau, j'ai téléphoné à cette caisse le 20 juin 2000 et les renseignements suivants m'ont été fournis:

  • une [] entreprise du canton a demandé à la caisse d'allocations que cette dernière verse directement les allocations familiales à ses employés;

  • pour ce faire, elle devrait demander elle-même à tous les employés différents renseignements et pièces officielles (par exemple le livret de famille, l'acte de naissance, le changement d'état civil…); auparavant, ces renseignements étaient donnés à l'employeur par ses employés et il les transmettait à la caisse d'allocations familiales;

  • la caisse devrait ensuite verser aux employés les allocations familiales qui leur sont dues, et non à l'employeur pour qu'il les rétrocède à ses employés comme c'est le cas dans le système actuel;

  • cette entreprise a toutefois demandé que la caisse continue de lui envoyer les décisions fixant les allocations familiales dues pour chacun de ses employés, quand bien même cette entreprise n'aurait plus à verser les allocations familiales aux travailleurs;

  • finalement, ce serait à la caisse d'établir les attestations fiscales relatives aux allocations familiales versées durant l'année;

  • là encore, cette entreprise demande à recevoir ces attestations fiscales qu'elle propose de remettre ensuite à ses employés.

La question à résoudre est donc la suivante : Les règles légales relatives à la protection des données et de la personnalité s'opposent-elles à ce que la caisse d'allocations familiales remette à cette entreprise d'une part les différentes décisions fixant le droit aux allocations familiales de ses employés, d'autre part les attestations fiscales relatives aux allocations familiales servies durant l'année. Il semblerait de plus que le système proposé par cette entreprise pourrait poser un problème au niveau de l'imposition à la source; ce problème ne sera toutefois pas examiné dans le présent courrier puisqu'il est étranger à la protection de la personnalité et des données.

Avis

Les informations qui ressortent d'une décision fixant les allocations familiales versées aux employés peuvent revêtir un caractère sensible. En effet, elles se rapportent notamment à l'état civil de l'employé, aux changements de cet état civil, au nombre de ses enfants, à leur âge, à leur activité et au fait qu'ils soient ou non à la charge de l'employé.

Dès lors, on peut estimer qu'il s'agit de données qui doivent être protégées au sens de l'article 2 al.3 de la Loi cantonale sur la protection de la personnalité; il s'agit également de données personnelles, éventuellement de données sensibles, au sens de l'article 3 de la Loi fédérale sur la protection des données.

Il est indéniable que selon le système en vigueur jusqu'à ce jour, l'entreprise requérante reçoit d'une part toutes les décisions relatives aux allocations familiales de ses employés, d'autre part les renseignements permettant d'établir des attestations fiscales. Dès lors, selon le système qu'elle préconise, elle ne recevrait pas plus d'informations qu'elle n'en dispose aujourd'hui déjà. Ce nouveau système semble simplement devoir lui épargner d'entreprendre auprès de ses employés toutes les démarches nécessaires à la détermination du droit aux d'allocations familiales puis à leur versement, tout en lui permettant d'obtenir diverses informations relatives à la situation personnelle de ses travailleurs.

Selon l'article 12 LCPP, sur demande individuelle, l'adresse, la date de naissance, le sexe et la profession d'une personne peuvent être communiqués à des tiers (al.1); en outre, sur demande individuelle, l'état civil, l'origine et la nationalité, la provenance et la destination d'une personne peuvent être communiqués à des tiers lorsque ceux-ci justifient d'un intérêt digne de protection à la communication primant celui de la personne concernée à ce que ces données soient tenues secrètes (al.2); la communication à des tiers de données protégées définies à l'article 2 al.3 est interdite (al.3). De surcroît, tant la loi fédérale que la loi cantonale prévoient que le traitement des données doit être effectué conformément au principe de la proportionnalité (art.4 al.2 LPD et art.4 LCPP).

Conclusions

L'application de ces principes légaux me conduisent à faire les réflexions suivantes:

Dans la mesure où l'employeur doit verser lui-même à ses employés des allocations familiales, il est parfaitement justifié qu'il reçoive les décisions de la caisse d'allocations familiales déterminant ces allocations, quand bien même ces décisions pourraient contenir des données sur la situation personnelle de travailleurs.

Si, à la demande l'employeur, la caisse doit elle-même obtenir des travailleurs les différents renseignements et documents permettant d'établir leur droit aux allocations familiales, et leur verser ensuite les allocations familiales auxquelles ils ont droit, l'employeur n'a en principe aucun intérêt à recevoir les décisions fixant les allocations familiales ainsi que les attestations fiscales relatives aux prestations servies durant l'année, et à obtenir de la sorte des informations sur la situation personnelle de ses employés. En effet, le montant des allocations familiales n'influe en général pas la rémunération due aux employés ou d'autres relations de travail. Le principe de la proportionnalité s'oppose donc à de telles communications.

Par contre, si dans un cas particulier et sur demande individuelle de l'employeur, ce dernier peut justifier d'un intérêt digne de protection à la communication primant celui de son employé concerné à ce que ces données ne lui soient pas transmises, la communication pourrait être envisageable.

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