Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Numérisation des fonds d'archives par les mormons (2010.0001)

Protection des données

Projet de numérisation de fonds d'archives par la Genealogical Society of Utah

Avis du préposé 2010.0001 du 8 mars 2010

L'archiviste cantonal a reçu une proposition de collaboration de la Genealogical Society of Utah (association à but non-lucratif émanant de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, autrement dit les "mormons") "concernant la numérisation gratuite des registres de reconnaissances conservées par l'Office des archives de l'Etat (OAEN). Les Mormons souhaitent ensuite mettre gratuitement ces documents numérisés à la disposition du public via internet. Ils proposent à l'OAEN de lui fournir une copie des documents numérisés" (note de l'OAEN du 18 février 2010 au chef du DECS).

Les registres de reconnaissances concernent des données personnelles traitées durant une période allant de 1339 à 1764. Celles-ci comprennent essentiellement les nom, prénom, date de naissance, informations relatives à la filiation et les biens matériels des personnes enregistrées.

Les mormons sont à la recherche de telles données "dans le but d'identifier leurs ancêtres et de leur administrer, dans leurs temples, leurs rites religieux. Chez les mormons, les morts sont en effet baptisés par procuration. En rassemblant et diffusant par Internet les données généalogiques contenues dans les registres de reconnaissances neuchâtelois, la Genealogical Society of Utah souhaite vraisemblablement permettre aux membres de la communauté mormone de pratiquer leurs rites religieux".

Ils possèdent déjà les données de l'État civil neuchâtelois jusqu'au début des années 1980.

La proposition en question fait l'objet d'une convention, dont le projet a été soumis au Préposé cantonal à la gestion de l'information pour vérifier qu'il respecte les lois cantonales sur la protection des données et la transparence des activités étatiques.

Avis

La loi cantonale sur la protection des données (LCPD, RSN 150.30) a pour but de protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données personnelles (art. 1 et 4 LCPD), c'est-à-dire d'informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiables.

A propos de la durée de la protection, le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'affirmer très clairement en juillet 2003 qu'il rejette la théorie de la protection post-mortem de la personnalité, malgré son utilisation en Allemagne et l'avis d'une partie de la doctrine suisse (ATF 129 I 302 consid. 1.2.5, JdT 2005 I 215 (222)).

Par conséquent, la LCPD ne protège pas la personnalité des personnes décédées, de surcroît lorsque le traitement de données en question concerne des informations figurant dans les registres des reconnaissances établis entre 1339 et 1764, même si un baptême post-mortem soulève des questions éthiques.

Elle ne protège pas plus la personnalité des descendants vivants car les données récoltées et mises à disposition sur internet par la Genealogical Society of Utah, ne seront pas directement ou indirectement liées à des personnes vivantes. Le travail nécessaire pour établir un tel lien exigera beaucoup d'efforts et de temps. Les données en cause ne sauraient dès lors être qualifiées de données personnelles des descendants, au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, seule la loi cantonale sur les archives de l'Etat (RSN 442.20) est applicable en l'espèce.

Les documents concernés sont aujourd'hui accessibles au public, à moins qu'un intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose (art. 5 LC sur les archives de l'Etat). La note de l'OAEN du 18 février 2010 au chef du DECS ne mentionne aucun intérêt public devant mener au refus de l'accès aux registres des reconnaissances par les mormons. Au contraire, l'Etat de Neuchâtel profiterait de l'occasion pour assurer une meilleure sauvegarde de son patrimoine.

Malgré les questions éthiques posées par la démarche des mormons, l'existence d'intérêts privés prépondérants paraît peu concevable. Tout d'abord, les données récoltées concernent des personnes ayant vécu entre le XIVe et le XVIIIe siècle. Il est dès lors peu probable que l'intérêt d'une personne vivante à défendre les convictions religieuses (non établies) d'un ancêtre relativement lointain, dont elle n'avait sûrement pas connaissance jusqu'à présent, prime sur celui d'un mormon désirant pratiquer sa religion.

Ensuite, le type de données récoltées est aujourd'hui publié dans la Feuille officielle (FO) lors du décès d'un résidant neuchâtelois, conformément à l'article 28 de la loi cantonale instituant un impôt sur les successions et sur les donations entre vifs (LSucc). Autrement dit, il suffirait aux mormons de s'abonner à la FO, ou d'en consulter les archives, pour pouvoir exercer leurs rituels sur les personnes décédées au XXIe siècle. L'existence d'un intérêt privé prépondérant, empêchant l'accès à des données enregistrées entre le XIVe et le XVIIIe siècle, paraît dès lors d'autant moins probable.

Conclusion

Le Préposé cantonal à la gestion de l'information est d'avis que l'OAEN peut autoriser la Genealogical Society of Utah à numériser les registres de reconnaissances.

Toutefois, par respect du principe de prudence et bien que la Genealogical Society of Utah prenne l'engagement sur son site internet de ne pas faire de liens entre les données récoltées et des personnes vivantes, il est souhaitable que cette modalité soit rappelée dans la convention proposée.

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