Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Traitement de données des fonctionnaires par les exécutifs communaux (2010.0036)

Protection des données

Traitement de données des fonctionnaires par les exécutifs communaux

Avis du préposé 2010.0036 publié le 21 mai 2010

Préambule

Le Préposé cantonal à la gestion de l'information a été saisi par le mandataire d'une commune afin de savoir si l'accès aux dossiers des fonctionnaires détenus par le service des ressources humaines est autorisé à tout conseiller communal (y compris le président du Conseil), s'il est limité à celui auquel le fonctionnaire est rattaché ou/et au chef du dicastère dont dépendent les ressources humaines ou s'il leur est tout simplement interdit.

Avis

L'article 13 alinéa 2 de la Constitution fédérale (Cst., RS 101) et l'article 11 alinéas 1 et 3 Cst NE (RSN 101) offrent la même protection des données personnelles des administrés que celle de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH, RS 0.101), à laquelle la Suisse est soumise (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6528/2008 du 14 mai 2009, consid. 7.3.1; rapport de la commission "Constitution" au Grand Conseil à l'appui d'un projet de nouvelle Constitution cantonale du 22 novembre 1999, 00.009, art. 11; article 59 CEDH). Plus précisément, ces articles protègent notamment toutes les données personnelles, c'est-à-dire toutes les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable (Amann c./Suisse [GC], n°27798/95, § 65, CEDH 2000-II).

La loi cantonale sur la protection des données (LCPD, RSN 150.30) précise que cette protection constitutionnelle s'applique aux traitements de données effectués par les exécutifs communaux (art. 2 al. 2 let. d LCPD) et prévoit que les autorités ne peuvent traiter des données que s'il existe une base légale ou si le traitement sert à l'accomplissement d'une tâche légale (art. 5 LCPD). Autrement dit, ces précisions ne font que rappeler que la restriction du droit fondamental relatif au respect de la vie privée (art. 8 CEDH, 13 Cst et 11 Cst NE) doit impérativement remplir les conditions fixées aux articles 36 Cst et 33 Cst. NE. Concrètement, cette restriction doit se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public prépondérant, ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui, et respecter le principe de la proportionnalité.

Le degré d'exigence de la base légale dépend de la gravité de l'atteinte. Le Tribunal fédéral tient à ce propos la position suivante : " […] Ces exigences dépendent toutefois de la gravité de la restriction: quand l'atteinte est grave, la jurisprudence exige, sur les points principaux, une base claire et non équivoque dans une loi au sens formel; des restrictions plus légères peuvent reposer sur des normes qui ne sont pas de rang législatif si la loi au sens formel contient une clause de délégation adéquate, voire sur des clauses générales ( ATF 99 Ia 262 c. 5, JdT 1974 I 656 ; ATF 102 Ia 62 c. 2, JdT 1978 I 98; ATF 106 Ia 364 c. 2; ATF 115 Ia 277 c. 7a, JdT 1991 I 258 ; ATF 118 Ia 305 c. 2a, JdT 1994 I 630 ; avis de l'Office fédéral de la justice in JAAC 44/1980 no 131 p. 623). Dans certains cas, la base légale a nécessairement un caractère indéterminé -- lorsque les circonstances dans lesquelles la loi s'applique sont complexes ou très diverses --; on peut alors compenser le manque de précision par des garanties de procédure (ATF 109 Ia 273 c. 4d, JdT 1985 I 616 ). Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme pose des exigences comparables au sujet de la base légale requise pour les ingérences dans l'exercice des droits garantis. Certes, il suffit que l'ingérence soit prévue par une loi au sens matériel (cf. ACEDH Kruslin c. France du 24 avril 1990, série A vol. 176 § 28 et les réf.); il faut néanmoins que cette norme soit suffisamment accessible et qu'elle soit formulée de manière assez précise pour permettre au citoyen de disposer des renseignements nécessaires sur les conséquences qu'il pourrait subir (cf. ACEDH Sunday Times du 26 avril 1979, Série A vol. 30 § 49, ACEDH Silver du 25 mars 1983, Série A vol. 61 §§ 85 ss; ACEDH Malone du 2 août 1984, Série A vol. 82 §§ 66 ss). Les atteintes graves à la sphère privée doivent être prévues par des normes claires et détaillées (ACEDH Kruslin, § 32). Dans l'affaire Leander, concernant l'enregistrement de données personnelles en vue d'assurer la protection de l'Etat, et leur transmission par la police, la Cour européenne a considéré que la loi devait user de termes assez clairs pour indiquer aux intéressés en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilitait la puissance publique à se livrer à pareille ingérence secrète, et virtuellement dangereuse, dans leur vie privée (ACEDH Leander du 26 mars 1987, Série A vol. 116 §§ 50 ss, cf. aussi ACEDH Malone, § 67)." (ATF 122 I 360 consid 5b bb, JdT 1998 I 203 (206 s)).

Quant au principe de la proportionnalité, il exige qu'un traitement soit apte et nécessaire à atteindre le but d'intérêt public ou privé poursuivi et qu'il se révèle acceptable et proportionné pour les intéressés, compte tenu de la gravité de la restriction à leurs droits fondamentaux. Un rapport raisonnable entre le but et les moyens est nécessaire. Un traitement est disproportionné, lorsque le but peut être réalisé par une atteinte moins grave aux droits fondamentaux (voir notamment ATF 133 I 77 (81) consid. 4.4.1, JdT 2007 I 591 (595)).

Nul n'est besoin de discuter de l'intérêt public dans ce cas, car soit les deux conditions précitées sont remplies et la condition de l'intérêt public est réalisée, soit au moins l'une des deux conditions n'est pas remplie et le droit fondamental au respect à la sphère privée est violé.

En l'espèce il s'agit de vérifier si les compétences accordées aux conseillers communaux dans le droit communal permettent de traiter les données des fonctionnaires, détenues par le service des ressources humaines. Ne connaissant pas la commune concernée, cette question restera en suspens. Néanmoins, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que, par exemple, une règle octroyant le pouvoir de haute surveillance en matière d'enseignement au Conseil d'Etat et une autre précisant que c'est la Direction de l'instruction publique qui assure cette haute surveillance sont suffisantes pour traiter des données des fonctionnaires, telles que l'aptitude, les qualifications, les prestations des maîtres, des mesures disciplinaires, etc. Il ajoute même que le fonctionnaire rattaché aux services cantonaux de l'enseignement doit s'attendre à ce que de telles informations soient communiquées à la Direction de l'instruction publique et à ce qu'elles soient conservées, au moins pendant une certaine période (ATF 122 I 360 consid 5d, JdT 1998 I 203 (208 s)).

Dans l'hypothèse où la commune en question serait pourvue de dispositions similaires, les conseillers communaux doivent tout de même respecter le principe de la proportionnalité. Ils ne peuvent récolter des données qu'en cas de nécessité pour accomplir une tâche légale prévue par la loi.

En l'absence de l'accès aux règles communales en question, il est difficile de donner une détermination plus précise.

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