Obtention d'un dossier pénal par un service administratif jurassien (2013.0522)
À quelles conditions un dossier pénal peut-il être transmis à un service administratif ?
Avis du PPDT 2013.0522 publié le 3 octobre 2013
En cours de procédure, un service administratif ne peut obtenir le dossier pénal concernant une personne soumise à sa surveillance que si une base légale le prévoit. Lorsque la procédure est close, un tel dossier peut notamment être obtenu si une sanction disciplinaire administrative doit être rendue.
Pour l'obtention d'un dossier pénal en cours de procédure par un service administratif, ce sont les dispositions 75 al. 4 CPP et 24 Loi d'introduction du Code de procédure pénale (LiCPP; RSJU 321.1) qui entrent en ligne de compte.
Or, la Cour de droit public jurassienne a jugé que l'article 24 LiCPP n'était pas une base légale suffisante car elle ne désigne pas l'autorité destinataire des informations, excepté lorsqu'un service se doit de protéger des mineurs ou des personnes nécessitant assistance (ADM 65/2012, consid. 4.1 et 4.2).
Par conséquent, excepté s'il existe une base légale conforme, la communication n'est simplement pas autorisée en cours de procédure.
Après la clôture de la procédure, si la communication du dossier est exigée, en invoquant la nécessité de ce dernier pour l'accomplissement d'une tâche légale clairement définie, c'est principalement l'article 25 CPTD-JUNE qui s'applique, conformément à l'article 99 CPP.
A ce propos la jurisprudence précitée renvoie à une décision de l'ancienne Commission cantonale à la protection des données (RJJ 2008 p. 93) qui a jugé que : "la communication de données à caractère personnel ne peut intervenir, en vertu de la condition posée" à l'article 25 CPTD-JUNE ,"que si le destinataire des informations n'est pas en mesure d'accomplir une tâche légale, clairement définie, sans connaissance des données pertinentes. Il incombe, en conséquence, à l'autorité requérante d'établir que le besoin d'obtenir des informations pour exécuter ses tâches légales répond à une nécessité absolue".
Comme le relève pertinemment cette autorité, "il est difficile de préciser dans l'abstrait les contours du besoin absolu qui conditionne la communication d'informations au sujet de la personne suspecte ou prévenue. Savoir si cette condition est remplie et dans quelle mesure elle permet de lever le secret de fonction nécessite une appréciation de la part des autorités pénales sur la base des circonstances concrètes." Elle a néanmoins précisé que "L'ouverture ou la poursuite d'une procédure disciplinaire ne constitue pas une obligation légale qui s'imposerait impérativement à l'autorité dans tous les cas de suspicion d'une violation des devoirs de service, sans égard aux circonstances d'espèce. Cela étant, on ne se trouve pas en présence d'une tâche clairement définie par la loi d'où résulterait la nécessité pour l'autorité de se faire remettre systématiquement toute information relative aux infractions reprochées. Ce n'est donc que dans les circonstances d'espèce que le besoin de communication peut être apprécié par l'autorité de poursuite pénale." (consid. 6.1, p. 110)
Elle a ajouté que si les "faits et la faute reprochés sont d'une certaine gravité et que les présomptions sont sérieuses, il est envisageable que l'autorité de poursuite pénale transmette les informations nécessaires au Département en vue de l'ouverture d'une procédure disciplinaire ou de sa poursuite, ainsi que les éléments qui justifient une suspension provisoire (art. 44 LStMF). Dans une telle situation, il incombe à l'autorité de poursuite pénale de procéder à une appréciation du besoin. L'autorité de poursuite pénale se substitue en quelque sorte à l'autorité disciplinaire pour apprécier si les circonstances conduiraient nécessairement cette dernière à engager la responsabilité disciplinaire de l'enseignant ou à engager une procédure de licenciement. De même, lorsque le Département est déjà informé des faits principaux, rien n'empêche l'autorité de poursuite pénale d'apprécier si les éléments réunis par l'enquête pénale conduisent nécessairement à l'ouverture d'une procédure disciplinaire ou administrative."
En conclusion, le dossier pénal est transmissible à un service administratif seulement si les conditions posées par la jurisprudence sont remplies.