Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Consultation de SIPP par un contrôle des habitants

Protection des données

Les contrôles des habitants peuvent-il accéder à la base de données fiscales du service des contributions ?

Avis du préposé du 22 décembre 2006

Préambule

Le Service des contributions du canton de Neuchâtel exploite une base de données fiscales, SIPP.

Différentes entités cantonales et communales bénéficient d’un droit de consultation par informatique de SIPP, accordé par le service des contributions.

Dans le cadre d’une étude globale des accès à SIPP, le service des contributions a examiné si les droits d’accès accordés par le passé étaient toujours en conformité avec le principe du secret fiscal et de la protection des données. A cette occasion, le contrôle des habitants de la commune de La Chaux-de-Fonds, qui dispose d’un accès informatique à SIPP dit restreint, c’est-à-dire se rapportant uniquement aux bases de taxation, a été contacté afin de déterminer la nécessité du maintien de son accès.

Par courrier du 21 janvier 2005, le préposé du contrôle des habitants a indiqué qu’il établit, sur la base des données de SIPP, un tableau récapitulatif des statistiques de la population au sujet des différentes catégories de revenus et fortunes, ainsi qu’un tableau de l’état des contribuables qui ont quitté la ville avec un revenu ou une fortune supérieure à Fr. 60'000.00. Ces tableaux sont adressés aux conseillers communaux, au chancelier, au chef des finances, au chef du service économique, au chef de l’Office du travail et au chargé de communication, afin de leur permettre de « mieux sentir et piloter » la commune.

Par courrier du 22 août 2006 adressé à l’Autorité de surveillance LCPP, le chef du service des contributions a relevé que cet accès « on-line » dans un seul but de statistiques, qui pourraient d’ailleurs être tenues par un autre service communal qui dispose d’un accès à la base de données, ne lui paraissait pas justifié et irait même à l’encontre du respect du secret fiscal. Cependant, avant de supprimer de manière unilatérale cet accès, le service des contributions souhaitait obtenir l’avis de l’Autorité de surveillance LCPP à ce sujet.

Contacté le 20 septembre 2006 par le président de l’Autorité de surveillance LCPP, le président du Conseil communal de La Chaux-de-Fonds a fait parvenir, le 2 novembre 2006, la réponse suivante :

« Le Contrôle des habitants et le Service financier de la Ville de La Chaux-de-Fonds collaborent très étroitement s’agissant du domicile fiscal des personnes résidant en ville. Contrairement à ce qui est mentionné dans le courrier de M. X, le Contrôle des habitants n’utilise pas cet accès à des fins statistiques. En effet, l’édition mensuelle des contribuables (revenu ou fortune dépassant CHF 60'000.00) quittant La Chaux-de-Fonds est utilisée par le Service financier dans le cadre d’une procédure pour vérifier si les personnes concernées ont notamment maintenu un domicile, conservé un numéro de téléphone, ou continuent de consommer de l’énergie. Ladite procédure a déjà permis, pour plusieurs contribuables, de maintenir une taxation dans notre ville alors que la personne était annoncée partante. Nous informons les Autorités fiscales cantonales de nos démarches tant pour les cas inter-cantonaux qu’intercommunaux.

Ce travail fourni par le Contrôle des habitants est donc un instrument de pilotage essentiel pour notre Conseil et indispensable pour la gestion de nos contribuables.

Certes, dans une vision particulièrement rigoriste, l’on pourrait considérer que serait envisageable une suppression totale de l’accès pour les collaboratrices et collaborateurs du Contrôle des habitants et le transfert de ce travail aux personnes disposant encore désormais de cet accès, à savoir celles du Service financier.

Néanmoins, compte tenu du fait que cela nous paraît être plutôt du ressort de la compétence d’organisation de son administration dont dispose le Conseil communal, nous souhaitons que le Contrôle des habitants puisse continuer à réaliser cette tâche.

Cependant, étant particulièrement sensibles à la problématique que soulève M. X, nous vous proposons que le nombre d’accès dont dispose le Contrôle des habitants soit réduit avec effet immédiat de cinq à trois personnes. »

Avis

Le présent cas pose deux questions : 1) L’accès à SIPP accordé au contrôle des habitants de la commune de La Chaux-de-Fonds est-il justifié ? 2) L’établissement des statistiques nominales émises par ce contrôle des habitants est-il conforme aux exigences posées par la loi ?

Accès à SIPP

L'article 176 de la loi sur les contributions directes (ci-après LCdir ; RSN 631.0) prévoit que toutes les personnes chargées de l'application de ladite loi ou qui y collaborent, ainsi que les experts auxquels il est fait appel le cas échéant, doivent garder le secret sur les faits dont ils ont connaissance dans l'exercice de leur fonction, ainsi que sur les délibérations des autorités et refuser aux tiers la consultation des dossiers fiscaux (al. 1) ; des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une base légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (al. 2). Demeurent réservés les montants de la fortune et du revenu imposables ressortant d'une taxation ayant force exécutoire, lesquels ne sont pas couverts par le secret fiscal (al. 4). Finalement, le département désigné par le Conseil d'Etat est compétent pour établir à quelles conditions la consultation par informatique de données fiscales peut être autorisée (al. 5).

Selon l'article 11 de la loi cantonale sur la protection de la personnalité (ci-après LCPP ; RSN 150.30), la communication des données est limitée aux seuls utilisateurs prévus dans la déclaration ; ceux-ci ne peuvent utiliser ces données que dans l'accomplissement de leur tâche (al.1). Sur demande écrite adressée à l'exploitant, des données, renseignements ou documents peuvent toutefois être communiqués à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche (al. 2). Les dispositions spéciales concernant le secret de fonction et la communication de renseignements selon d'autres lois sont réservées (al. 3), ce qui comprend le secret fiscal (voir le rapport n° 87.042 du Conseil d'Etat au Grand Conseil du 5 octobre 1987, p. 5).

En l’espèce, il n’existe aucune base légale fédérale ou cantonale prévoyant expressément un accès aux données fiscales pour le contrôle des habitants de la commune de La Chaux-de-Fonds.

De plus, l’article 10 de la loi sur le contrôle des habitants fixe les attributions du préposé, lesquelles ne comprennent pas l’établissement de statistiques du genre de celles émises par le contrôle des habitants de la commune de La Chaux-de-Fonds (la lettre i de cet article prévoit bien l’établissement de statistiques relatives aux habitants et aux recensements de la population, mais elles ne paraissent pas se rapporter à celles établies à La Chaux-de-Fonds). L'accomplissement de ses tâches légales ne nécessite donc pas un tel accès.

Cet accès doit par conséquent être supprimé.

Certes, le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds invoque que l’édition mensuelle des contribuables quittant la commune est utilisée par le service financier dans le cadre d’une procédure pour vérifier si les personnes concernées ont maintenu un domicile.

L’autorité de surveillance LCPP relève toutefois que cette tâche incombe au service financier et non au contrôle des habitants. Dès lors, si le service financier est justifié à accéder aux données de SIPP, tel n’est pas le cas du contrôle des habitants. La commune ne peut pas non plus invoquer qu’il est de son ressort d’organiser son administration, mais cette organisation doit être arrêtée pour respecter les principes légaux, notamment celui du secret fiscal.

Statistiques

Le préposé du contrôle des habitants établit, sur la base des données de SIPP, deux documents : 1) un tableau récapitulatif des statistiques de la population au sujet des différentes catégories de revenus et fortunes ; 2) un tableau de l’état des contribuables qui ont quitté la ville avec un revenu ou une fortune supérieure à Fr. 60'000.00. Ce second tableau, établi chaque mois, est nominal ; il mentionne l’état civil des contribuables, leur année de naissance, leur profession, les motifs de leur départ, ainsi que leurs revenus et fortune. Ces tableaux sont adressés aux conseillers communaux, au chancelier, au chef des finances, au chef du service économique, au chef de l’Office du travail et au chargé de communication.

Il s’agit de déterminer si de telles statistiques sont conformes aux exigences posées par la loi, quand bien même elles seraient faites par un service dont la liaison à SIPP est totalement justifiée, ce qui n’est pas le cas du contrôle des habitants, ainsi que cela a été relevé ci-dessus (chiffre II).

Comme cela a été mentionné plus haut, la communication de données doit être justifiée par l'exécution des tâches légales du destinataire des informations.

L’application de ce critère conduit à exclure l’établissement de statistiques comportant l’identité des contribuables. En effet, si l’employé du service financier, à qui il incombe de vérifier si les personnes concernées ont maintenu ou non un domicile dans la commune, doit bien évidemment connaître l’identité de ces personnes, l’Autorité de surveillance LCPP ne voit pas en quoi il est utile aux Conseillers communaux, au chancelier, au chef du service économique, au chef de l’Office du travail et encore moins au chargé de communication d’obtenir cette information ; le pilotage de la commune peut être mené tout aussi efficacement en connaissant le nombre de citoyens partis et la masse fiscale qu’ils représentent, sans que leur identité n’ait à être dévoilée.

Ainsi, si de telles statistiques restent envisageables, elles ne doivent pas permettre l’identification des personnes concernées.

Conclusions

L’Autorité de surveillance LCPP prend ainsi les conclusions suivantes :

L'accès informatique à SIPP par le contrôle des habitants de la commune de La Chaux-de-Fonds n’est pas justifié ;

L’établissement de listes à l’attention des conseillers communaux, du chancelier, du chef des finances, du chef du service économique, du chef de l’Office du travail et du chargé de communication, comportant les identités des contribuables quittant la commune, de même que leur revenus et fortune, ne respecte pas les exigences posées par le secret fiscal et la LCPP ; de telles statistiques sont ne sont envisageables que si elles ne permettent pas l’identification des personnes concernées.

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