Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Demande de renseignement adressée au Procureur par une police locale pour l'octroi de patente

Protection des données

La police locale a demandé au procureur des renseignements sur les condamnations éventuelles de deux personnes afin de statuer sur l'octroi de patente

Avis du préposé du 10 décembre 2004

Préambule

Par courrier du 23 novembre 2004, le procureur désire connaître l’avis de l’Autorité de surveillance quant à la requête que la police locale de Neuchâtel lui a adressée, tendant à connaître les condamnations possibles en notre canton pour deux personnes afin de statuer sur l'éventuel octroi en leur faveur d'autorisation d'exploiter un établissement public.

Avis

A titre préliminaire, le préposé relève que l'article 3 let. c ch. 4 de la loi fédérale sur la protection des données stipule que les sanctions pénales correspondent à des données sensibles, c'est-à-dire à des données dont la communication est soumise à des règles strictes.

Certes, cette notion de données sensibles n'est pas reprise telle quelle par le droit neuchâtelois actuel, mais il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit de données particulières dont la transmission ne peut être libre.

L'article 11 al. 2 de la loi cantonale sur la protection de la personnalité (ci-après LCPP) prévoit que sur demande écrite adressée à l'exploitant, des données, renseignements ou documents peuvent être communiqués à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche.

La communication est donc soumise à 3 conditions :

  • une demande écrite ;

  • une communication nécessaire à l’accomplissement des tâches du requérant ;

  • une demande adressée à l’exploitant.

La condition de la demande écrite est remplie en l’espèce. Il n’y a pas lieu de s’y attarder.

La seconde condition doit être examinée sous l’angle de la loi, en particulier de la loi sur les établissements publics (ci-après LEP), pour déterminer si la Commune de Neuchâtel doit connaître, afin d’accomplir ses tâches, les condamnations possibles en notre canton pour deux personnes qui ont demandé une autorisation d'exploiter un établissement public.

  • L’article 39 al. 1 LEP prévoit que l’autorité cantonale statue sur la demande d’octroi de la patente après avoir sollicité le préavis du Conseil communal. C’est dans ce cadre que la police locale de Neuchâtel vous a sollicité.

  • Dans son rapport (Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil 1990-1991, 156ème volume, page 1152), le Conseil d’Etat relevait : « Du fait de la suppression de la clause du besoin, il nous a paru indispensable que l’autorité communale soit informée de l’ouverture d’un établissement public ou d’un cercle sur son territoire et qu’elle puisse donner son préavis avant que l’autorité compétente ne décide de l’octroi de la patente ».

Il paraît donc que le préavis communal doit porter sur l’ouverture de l’établissement public et non sur les conditions personnelles que doit remplir celui qui demande une patente, l’examen de ces conditions étant de la compétence de l’autorité cantonale et non celui des autorités communales[1].

Or, c’est uniquement dans le cadre de cet examen des conditions personnelles que l’existence de condamnations de celui qui demande une patente est important. En effet, l'article 33 al. 1 LEP prévoit que ne peuvent obtenir une patente les personnes à qui une autorité judiciaire (…) suisse a retiré, en vertu du droit fédéral ou du droit cantonal, le droit d'exercer la profession pour laquelle la patente est nécessaire, cela pendant le laps de temps fixé par cette autorité (let. b), les personnes qui ont été condamnées pour un crime ou un délit intentionnel, tant que le jugement n'a pas été radié du casier judiciaire (let. c), de même que les personnes qui ne présentent pas des garanties suffisantes de probité ou d'honorabilité (let. d).

C’est donc à l’autorité cantonale, et non à l’autorité communale, d’examiner si l’un ou l’autre de ces cas de figure est ou non donné, ce qu’elle fait d’ailleurs à l’égard de chaque personne qui demande une patente. On comprendrait d’ailleurs mal que le même contrôle soit opéré à chaque niveau : tout d’abord par les communes pour leur préavis, ensuite par le service du commerce et des patentes.

Dès lors, le préavis communal n’ayant pas à porter sur les conditions personnelles d’octroi de la patente, la Commune de Neuchâtel n’a pas besoin, pour accomplir ses tâches, de connaître les condamnations possibles en notre canton pour deux personnes qui ont demandé une autorisation d'exploiter un établissement public.

La seconde condition pour une transmission de données n’est donc pas remplie.

La dernière condition se rapporte à l’exploitant.

Force est de constater que si le Ministère public possède effectivement dans ses archives les traces des condamnations prononcées en notre canton, la gestion de la liste des anciennes condamnations est formellement le domaine du casier judiciaire fédéral. L'autorité du procureur est donc habilitée à demander de ceux qui réclament des informations relatives à des anciennes condamnations, qu’ils s’adressent au casier judiciaire pour être renseignés. En effet, cette autorité a été créée pour gérer de telles données et les transmettre lorsque la loi le prévoit, ce qui n’est pas le cas du Ministère public dont la tâche n’est pas d’être un office de renseignement sur les condamnations antérieures ni, éventuellement, de donner des informations dans des situations où le casier judiciaire refuserait de répondre.

La troisième condition pour une transmission de données n’est donc également pas remplie.

 


[1] Le service des patentes a d’ailleurs confirmé au président de l’Autorité de surveillance qu’il n’attendait pas des communes de renseignements sur la personne demandant la patente, dans le cadre de leur préavis, mais uniquement sur l’ouverture de l’établissement public.

Ce site utilise plusieurs cookies pour indiquer temporairement aux serveurs la langue que vous avez choisie lors de la configuration de vos outils informatiques, ainsi que pour rappeler aux serveurs votre choix d'accepter les présentes conditions pour éviter de reposer la question à la prochaine visite. En poursuivant, vous acceptez l’utilisation de ces cookies aux fins énoncées ci-dessus. En savoir plus.