Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Données relatives à la confession des élèves gérées par les écoles

Protection des données

Les écoles peuvent-elles récolter et transmettre des renseignements sur la confession des élèves ?

Avis du préposé du 21 janvier 2003

Préambule

Par courrier du 3 octobre 2002, des parents d'élèves de l'école primaire de X ont saisi l'Autorité de surveillance LCPP, lui indiquant avoir reçu un courrier des Paroisses réformées de la Côte qui les informait que leur enfant était intégré d'office dans un groupe de pré-catéchisme.

Ils se sont ainsi renseignés et ont appris qu'un jeu complet des listes comprenant tous les enfants scolarisés dans la commune, de l'école enfantine à la cinquième primaire, était donné à la Paroisse protestante, à la Paroisse catholique et à la Bibliothèque communale, ces listes comprenant les nom, prénoms, date de naissance, filiation, origine, adresse, années de scolarisation, confession, numéros de téléphone et de natel. Ces parents demandaient si une telle démarche est légale.

Contacté par l'Autorité de surveillance LCPP, le Conseil communal a expliqué que d'un fichier informatique sont extraites, annuellement, des listes de classe pour les enseignants, contenant les informations suivantes : nom, prénoms, date de naissance, filiation, origine, adresse, année de scolarisation, confession, numéro de téléphone des parents ou des représentants légaux. Ces listes, déclarées confidentielles par le président de la Commission scolaire, sont également transmises à la Commission scolaire, à l'inspection des écoles, à l'administration communale, ainsi qu'aux Eglises réformée et catholique. De plus, le Conseil communal contestait que les enfants soient intégrés d'office dans un groupe de pré-catéchisme; les enfants sont invités et il est recommandé aux parents d'encourager leurs enfants à suivre la formation. Finalement, suite à cette affaire, le Conseil communal mentionnait qu'il prenait les mesures suivantes :

  • D'entente avec la Commission scolaire, distribution par les enseignants des invitations au pré-catéchisme, pour les Eglises intéressées, et non plus transmission de la liste des classes de cinquième année et envoi par les Eglises.

Avis

Dans la plupart des écoles du canton, il est demandé aux élèves ou à leurs parents de faire état de leur confession; cette donnée est ensuite intégrée au dossier de l'élève. Il s'agit d'ailleurs d'une des rubriques du programme Cloée qui est utilisé par plusieurs établissements scolaires du canton (écoles primaires, secondaires, lycées, écoles professionnelles…). Dès lors, l'Autorité de surveillance LCPP doit dans un premier temps déterminer si les écoles sont en droit de collecter des données relatives à la religion des élèves.

L'art. 3 de la loi cantonale sur la protection de la personnalité (ci-après LCPP; RSN 150.30) stipule que ne sont gérées que les données nécessaires à l'accomplissement des tâches conférées à l'administration ou à l'institution qui les traite. Il s'agit de l'exigence de nécessité, laquelle découle du principe de la proportionnalité qui veut que l'Etat emploie des moyens adaptés à ses buts et qui exclut les interventions étatiques qui n'apparaissent pas nécessaires au regard de la fin envisagée (Grisel, Traité de droit administratif, pages 348-349, et les références).

Contactés par le président de l'Autorité de surveillance LCPP, différents services de l'Etat et établissements scolaires ont mentionné qu'il est utile de connaître la confession des élèves pour deux motifs principaux :

Il peut arriver que la religion justifie des absences durant certains jours de l'année ou nécessite un régime alimentaire particulier par exemple lors de camps scolaires.

Certaines écoles signalent aux Eglises officielles quels sont les élèves qui appartiennent à leur confession pour qu'elles puissent leur dispenser un enseignement religieux.

Il existe donc une justification à la gestion par les établissements scolaires de données relatives à la confession de leurs élèves.

L'Autorité de surveillance LCPP relève cependant que l'école n'exige pas de ses élèves de suivre un enseignement religieux, ou de manquer des cours, voire de respecter un régime selon les préceptes de leur foi; il s'agit-là de comportements facultatifs pour lesquels l'école n'impose pas d'obligation.

En ces conditions, ni les élèves ni leurs parents ne peuvent être tenus de fournir de renseignements quant à leur confession. Ils doivent ainsi être libres de faire ou non état de leur religion, avec le risque qu'ils ne puissent être invités à un enseignement religieux correspondant à leur foi, que certaines absences fassent l'objet d'une demande de justification par l'école ou que le régime alimentaire lors de camps scolaires ne soit pas adapté aux préceptes de leur religion.

Il paraît donc nécessaire, comme le stipule d'ailleurs l'art. 24 al. 2 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur la protection des données (RS 235.11), que les questionnaires portant sur la confession informent sur le caractère facultatif de la réponse.

Selon ce qui a été développé ci-dessus, les établissements scolaires sont en droit de gérer des données relatives à la confession de leurs élèves si cette information est fournie librement; il reste encore à déterminer si ces établissements peuvent faire part de cette donnée à des tiers.

Selon l'art. 2 al. 3 LCPP, les données sont protégées notamment lorsqu'elles touchent aux opinions religieuses.

La communication de telles données à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles est possible lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche (voir art. 11 al. 2 LCPP). Une telle communication à des tiers, à l'extérieur des collectivités publiques, est interdite (art. 12 al. 3 LCPP), à moins d'être autorisée par un texte de loi.

Selon les informations données par la commune de X, les listes de classe, comprenant notamment la confession des élèves, sont remises à la Commission scolaire, à l'inspection des écoles et à l'administration communale. Conformément aux principes légaux relevés ci-dessus, la transmission de ces données n'est autorisée que si cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche, ce qui devra être déterminé pour chacune de ces autorités; si tel n'est pas le cas, la confession des élèves ne saurait leur être communiquée (selon les requérants, il y aurait aussi communication à la Bibliothèque communale, ce que la commune de X n'a pas confirmé; si une telle communication est avérée, l'Autorité de surveillance est d'avis qu'elle ne saurait se poursuivre car on ne voit pas pour quelle raison la bibliothèque devrait connaître la confession de ceux qui empruntent des livres).

L'art. 97 de la Constitution neuchâteloise (RSN 101) prévoit que l'Etat tient compte de la dimension spirituelle de la personne humaine et de sa valeur pour la vie sociale (al.1); l'Etat est séparé des Eglises et des autres communautés religieuses mais il peut les reconnaître comme institutions d'intérêts publics (al. 2). L'art. 98 de la Constitution stipule quant à lui que l'Etat reconnaît l'Eglise réformée évangélique, l'Eglise catholique romaine et l'Eglise catholique chrétienne du canton de Neuchâtel comme des institutions d'intérêt public représentant les traditions chrétiennes du pays. Les concordats conclus entre l'Etat et ces trois Eglises contiennent de plus un chapitre relatif à l'enseignement religieux, selon lequel les autorités veillent à ce que les facilités et le temps nécessaires pour l'instruction religieuse soient accordés aux élèves des écoles et aux apprentis (RSN 181.100, 181.101 et 181.102). C'est ainsi que la loi sur l'organisation scolaire mentionne en son art. 8 que l'enseignement religieux est distinct des autres enseignements; il a lieu dans des locaux que les écoles publiques mettent gratuitement à disposition à des heures favorables, la fréquentation de cet enseignement étant facultative (RS 410.10).

Dans la pratique, l'enseignement religieux est dispensé dans les écoles primaires et secondaires selon les disponibilités des Eglises officielles qui varient d'une commune à l'autre; il n'y a donc pas dans chaque école un enseignement dispensé par chacune de ces trois Eglises.

Les dispositions légales citées plus haut justifient que les écoles remettent aux Eglises officielles la liste des élèves dont la confession a été volontairement communiquée. Cependant, l'école ne peut fournir cette liste qu'aux Eglises qui dispensent un enseignement religieux dans l'établissement scolaire; les autres Eglises qui n'assurent pas un tel enseignement dans l'école n'ont pas d'intérêt à recevoir ces informations. De plus, l'Eglise ne sera en droit de recevoir que la liste des élèves qui appartiennent à sa confession; les autres Eglises n'ont là non plus pas d'intérêt à obtenir la liste d'élèves qui ne fréquenteront de toutes façons pas les cours qu'elles dispensent.

Il est également envisageable, comme la commune de X l'a décidé, que l'école ne remette dorénavant aucune liste aux Eglises mais qu'elle distribue elle-même aux élèves concernés les invitations aux cours de religion des différentes Eglises.

Au surplus, l'Autorité de surveillance sait que la confession est parfois mentionnée sur les listes de classe distribuées à tous les élèves. Une telle communication se heurte à l'art. 12 al.3 LCPP : un élève et ses parents n'ont aucun intérêt à connaître la religion des autres membres de la classe et aucune base légale n'autorise une telle communication.

Conclusions

L’Autorité de surveillance LCPP prend ainsi les conclusions suivantes :

Les élèves et leurs parents ne sont pas tenus de fournir aux établissements scolaires des renseignements relatifs à leur confession.

Les différents formulaires et questionnaires remis aux élèves et à leurs parents, portant sur leur confession, doivent mentionner que la réponse est facultative.

Les données relatives à la confession des élèves, obtenues sur une base volontaire, ne peuvent être communiquées par les établissements scolaires à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles que lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de la tâche des destinataires.

Ces données peuvent être communiquées aux Eglises officielles aux conditions suivantes :

  • L'établissement scolaire ne remet ces données qu'aux Eglises qui dispensent un enseignement religieux;

  • L'Eglise ne peut recevoir la liste que des élèves qui appartiennent à sa confession.

Les établissements scolaires peuvent également ne pas communiquer ces données aux Eglises et se borner à distribuer aux élèves l'invitation aux cours de religion des différentes Eglises.

Ces données ne peuvent pas être communiquées à des tiers hors des collectivités publiques, par exemple sur la liste de classe distribuée aux élèves et à leurs parents.

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