Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Renseignements demandés par la police aux assistants sociaux

Protection des données

La police peut-elle demander des renseignements aux assistants sociaux concernant les bénéficiaires de l'aide matérielle ?

Avis du préposé du 18 août 2006

Préambule

Par courrier du 12 mai 2004, le chef de l’office de l’aide sociale a fait part au président de l’Autorité de surveillance LCPP que la police sollicitait souvent les assistants des services sociaux communaux et intercommunaux pour leur demander divers renseignements au sujet de bénéficiaires de l’aide matérielle.

Les questions les plus fréquemment posées sont : quelle est l’adresse officielle du bénéficiaire ; où peut-il se trouver ; quel est son numéro de téléphone ; quels sont les montants qui lui sont octroyés par le service social ou quel est son budget d’aide sociale ; quand aura lieu le prochain rendez-vous avec le bénéficiaire ; est-ce que de l’argent lui a été remis dernièrement ? Le chef de l’office relevait que suivant le type de renseignements fournis à la police, le rapport de confiance existant entre l’assistant social et le bénéficiaire de l’aide, indispensable pour un suivi efficace de chaque situation, peut être compromis. Il entendait ainsi savoir jusqu’où va l’obligation des assistants sociaux de renseigner la police et quelles sont les limites que la police doit observer dans ses investigations auprès du service social.

Avis

Selon l'article 11 alinéa 2 de la loi cantonale sur la protection de la personnalité (ci-après LCPP ; RSN 150.30), sur demande écrite adressée à l'exploitant, des données, renseignements ou documents peuvent être communiqués à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche, les dispositions spéciales concernant le secret de fonction et la communication de renseignements selon d'autres lois sont réservées (al. 3).

Dans son rapport au Grand conseil du 5 octobre 1987, le Conseil d'Etat écrivait au sujet de cet article 11 :

Les alinéas 2 et 3 ont pour but de dissiper l'ambiguïté engendrée au sein des administrations publiques par l'entrée en vigueur de la loi cantonale sur la protection de la personnalité. D'une part, le fonctionnement de l'administration ne doit pas être entravé et, d'autre part, les données, renseignements ou documents doivent continuer à pouvoir être transmis à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche. En outre, les dispositions spéciales concernant le secret de fonction et la communication de renseignements contenus dans d'autres lois doivent être réservées dans le cadre de l'application de la Loi cantonale sur la protection de la personnalité.

En ce qui concerne les services sociaux, l’article 28 de la loi sur l’action sociale (RSN 831.0), intitulé devoir de réserve et de discrétion, est ainsi rédigé :

1Les membres des autorités et les personnes chargées de l'aide sociale sont tenus à un devoir général de réserve et de discrétion.

 2Ils ne peuvent divulguer sans l'accord de l'intéressé ou de l'autorité compétente les faits dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur activité et qui doivent rester secrets. Des renseignements et documents peuvent toutefois être communiqués à l'intérieur des collectivités publiques ou entre elles, lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution de leur tâche.

 3Demeurent en outre réservées les dispositions particulières applicables en matière de secret de fonction.

Dans son rapport du 8 mai 1996, le Conseil d’Etat relevait au sujet de cette disposition (BOGC 1996-1997, Tome I, p. 571) :

L’article 28 institue un devoir général de réserve et de discrétion. En effet, le secret de fonction vise avant tout à protéger l’Etat et non pas le bénéficiaire d’un service social. En outre, se référer aux règles professionnelles comporte un certain danger dans la mesure où les divers codes de déontologie qui existent ne sont pas immuables. La notion de divulgation limitée des faits a donc été inscrite au deuxième alinéa. Toutefois, cette limitation pourrait servir de prétexte à certains pour ne pas transmettre les informations et renseignements nécessaires au bon fonctionnement des collectivités publiques concernées. La seconde partie du deuxième alinéa tend à régler cette question en s’inspirant de ce que prévoit l’article 11, alinéa 1, de la loi sur la protection de la personnalité, du 14 décembre 1982.

Force est ainsi de constater que le législateur neuchâtelois a été sensible au rapport de confiance entre l’assistant social et le bénéficiaire de l’aide, ce qui l’a conduit à instaurer un devoir général de réserve et de discrétion. Mais le législateur a également voulu que ce devoir ne limite pas la transmission d’informations et de renseignements entre collectivités publiques, nécessaires à leur bon fonctionnement, raison pour laquelle il n’a pas imposé aux assistants sociaux un secret de fonction renforcé, contrairement par exemple à ce que prévoient l'article 176 de la loi sur les contributions directes instaurant le secret fiscal (RSN 631.0 ; voir l’avis de l’Autorité de surveillance LCPP du 18 mars 1999), l’article 95 alinéa 1 CPPN instaurant le secret de l’instruction (RSN 322.0 ; voir l’avis de l’Autorité de surveillance LCPP du 26 avril 2004) et l’article 97a de la loi sur l’assurance-chômage (RS 837.0).

L'article 3 LCPP stipule que ne sont gérées que les données nécessaires à l'accomplissement des tâches conférées à l'administration ou à l'institution qui les traite. Il s'agit de l'exigence de nécessité, laquelle découle du principe de la proportionnalité qui veut que l'Etat emploie des moyens adaptés à ses buts et qui exclut les interventions étatiques qui n'apparaissent pas nécessaires au regard de la fin envisagée (Grisel, Traité de droit administratif, pages 348-349, et les références).

Ce principe de la proportionnalité s’applique aux communications de données entre autorités : seuls peuvent être transmis les renseignements dont le service de l'Etat a absolument besoin pour accomplir ses tâches, et pas davantage.

En ce qui concerne la transmission d’informations à la police par les services sociaux communaux et intercommunaux au sujet de bénéficiaires de l’aide matérielle, le respect de la proportionnalité impose les limites suivantes :

Quant à la police :

La requête de la police ne doit porter que sur les données personnelles appropriées et nécessaires pour atteindre le but poursuivi ; à défaut, les services sociaux devront refuser la communication. Ainsi, dans la mesure où le secret de l’enquête ne l’empêche pas, la police devra indiquer en quoi les renseignements demandés lui sont nécessaires afin de permettre aux services sociaux de se déterminer.

Quant aux services sociaux :

Les services sociaux ne peuvent communiquer que les informations nécessaires à l'exécution de la tâche qui incombe à la police. Ils ne pourront donc pas, pour se simplifier le travail, transmettre sans autre à la police l'intégralité du dossier de l’assisté, mais ils devront distinguer ce qui est nécessaire de ce qui ne l'est pas.

Conclusions

L'Autorité de surveillance LCPP prend ainsi les conclusions suivantes :

Les services sociaux sont autorisés à communiquer à la police des renseignements et documents au sujet de bénéficiaires de l’aide matérielle, lorsque cette communication est nécessaire à l'exécution des tâches policières.

Seules les données nécessaires à l'exécution de ces tâches peuvent être transmises.

Ce site utilise plusieurs cookies pour indiquer temporairement aux serveurs la langue que vous avez choisie lors de la configuration de vos outils informatiques, ainsi que pour rappeler aux serveurs votre choix d'accepter les présentes conditions pour éviter de reposer la question à la prochaine visite. En poursuivant, vous acceptez l’utilisation de ces cookies aux fins énoncées ci-dessus. En savoir plus.