Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Mise en ligne d'un PV du Conseil général (2010.0080)

Protection des données

Mise en ligne d'un PV du Conseil général

Avis du préposé 2010.0080 publié le 25 octobre 2010

Préambule

La commune  Y  a saisi le Préposé pour savoir s'il était possible de publier sur internet un procès-verbal mentionnant qu'une personne employée de la commune (que nous appellerons X)  avait écrit des propos mensongers.

La commune a retiré de la publication sur internet le procès-verbal en cause, en attendant l'avis sur la question.

Avis

La loi cantonale du 30 septembre 2008 sur la protection des données (LCPD, RSN 150.30) n'est pas applicable aux délibérations des Conseils généraux, conformément à son article 3. La notion de "délibérations" comprend évidemment les rapports qui les préparent, ainsi que les procès-verbaux qui en découlent (article 23 ss de la loi cantonale du 21 décembre 1964 sur les communes (LCo, RSN 171.1)). Il n'a pas été voulu que la LCPD s'immisce dans le processus démocratique, parce que cette autorité est déjà soumise à des règles de fonctionnement précises, qui figurent essentiellement dans les lois d'organisation des autorités législatives (BOGC NE, mai 2008-mars 2009, p. 943 (951)).

Bien que cette loi ne s'applique pas, les autorités législatives sont soumises au droit constitutionnel fédéral et cantonal. Or, l'article 13 alinéa 2 de la Constitution fédérale (Cst., RS 101) et l'article 11 alinéas 1 et 3 de la Constitution neuchâteloise (Cst NE, RSN 101) offrent la même protection des données personnelles des administrés que celle de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH, RS 0.101), à laquelle la Suisse est soumise (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6528/2008 du 14 mai 2009, consid. 7.3.1; rapport de la commission "Constitution" au Grand Conseil à l'appui d'un projet de nouvelle Constitution cantonale du 22 novembre 1999, 00.009, art. 11; article 59 CEDH). Plus précisément, ces articles protègent notamment toutes les données personnelles, c'est-à-dire toutes les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable (Amann c./Suisse [GC], n°27798/95, § 65, CEDH 2000-II).

Ce droit fondamental protégeant les données personnelles des citoyens peut néanmoins être restreint pour autant que les conditions fixées aux articles 36 Cst et 33 Cst. NE soient respectées. Autrement dit, la restriction doit se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public prépondérant, ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui, et respecter le principe de la proportionnalité.

À propos de la base légale, la loi cantonale sur la transparence des activités étatiques (LTAE, RSN 150.50) impose aux autorités de communiquer des informations sur leurs activités de nature à intéresser le public à moins qu'un intérêt prépondérant privé ne s'y oppose (art. 8 LTAE). Elle précise qu'un tel intérêt doit être reconnu lorsqu'un document officiel contient des données personnelles et sa communication n'est pas autorisée par la législation relative à la protection des données (art. 23 al. 3 let. a LTAE). Elle ajoute que " Les dates, heures et lieux des séances des Conseils généraux, leurs ordres du jour et les rapports à l’intention de leurs membres sont rendus publics. Ces documents sont envoyés aux médias qui en font la demande. […] L'information est destinée en priorité à la population de la commune. " (art. 19 LTAE).

L'intérêt public découle directement de l'article 18 Cst NE qui garantit à toute personne le droit de consulter les documents officiels, dans la mesure où aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

Quant au principe de la proportionnalité, il exige qu'une mesure administrative soit apte et nécessaire à atteindre le but d'intérêt public ou privé poursuivi et qu'elle se révèle acceptable et proportionnée pour les intéressés, compte tenu de la gravité de la restriction à leurs droits fondamentaux. Un rapport raisonnable entre le but et les moyens est nécessaire. Une mesure est disproportionnée, lorsque le but peut être atteint par une restriction moins grave aux droits fondamentaux (ATF 133 I 77 (81) consid. 4.4.1, JdT 2007 I 591 (595))

En l'espèce, la publication sur internet de la mention que X. a tenu des propos mensongers constitue une atteinte à sa personnalité et ne remplit pas au moins deux conditions incontournables.

Premièrement, la LTAE impose l'information du public, à moins qu'un intérêt privé prépondérant s'y oppose. En l'occurrence, X. a un réel intérêt à la non publication de cette information sur internet. De plus, l'article 19 LTAE ne prévoit pas que les procès-verbaux des communes soient publiés sur internet.

La commune n'a donc pas de base légale pour publier l'information en cause.

Deuxièmement, la publication ne respecte pas le principe de la proportionnalité. La doctrine dit que la règle de l'anonymisation des documents officiels prévaut. Elle s'inspire directement de la pratique en matière judiciaire. C'est une application du principe de proportionnalité. Elle précise que l'anonymisation des documents constitue la règle de base et permet de résoudre un bon nombre de cas conflictuels. (Alexandre Flückiger, Le conflit entre le principe de transparence et la protection de la sphère privée, in: MediaLex 2003, p. 225 (230); FF 2003 1807 (1846 et 1858)).

En l'occurrence, il n'apparaît aucune nécessité de publier le nom de X. dans le procès-verbal publié sur internet.

Par conséquent, le Préposé cantonal à la gestion de l'information est d'avis que la commune doit anonymiser le procès-verbal en cause en retirant le nom de X. La mention doit se limiter à "employé communal", sans préciser la fonction.

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