Préposé à la protection des données et transparence Jura-Neuchâtel

Diffusion des débats publics communaux sur internet (2021.3760)

À quelles conditions des débats publics peuvent-ils être diffusés sur internet ?

Avis du PPDT 2021.3760 publié le 17 mai 2021

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La diffusion des débats publics exclusivement sur Youtube, Facebook, et autre produit similaire est contraire à la CPDT-JUNE. S’ils devaient être diffusés parallèlement sur le site de la commune (en utilisant un outil dont les autorités ont les garanties contractuelles qu’il assure le respect de la CPDT-JUNE), ils doivent impérativement être ANONYMISÉS. Par ailleurs, le droit à l’image des élus (art. 28 ss CC) paraît devoir imposer un minimum d’informations actives préalables pour une diffusion sur les réseaux sociaux, voire un consentement en l’absence d’une base légale formelle. La protection de la personnalité des élus communaux est plus étendue que celle des élus fédéraux, voire cantonaux.

L’article 66 CPDT-JUNE prévoit expressément que les séances des législatifs communaux sont publiques. Quant à l’article 68 CPDT-JUNE, il prévoit qu’au cours des séances publiques, les prises de son ou leur retransmission sont autorisées à la condition qu'elles ne perturbent pas le déroulement des débats et qu'elles ne portent pas atteinte à un intérêt prépondérant public ou privé.

Cependant, que ce soit sous forme de texte, audio ou vidéo, la publication sur internet soulève le même problème : la diffusion d’enregistrement sur internet comportant des noms d’administrés est rigoureusement interdite par la CPDT-JUNE. L’article 25 CPDT-JUNE exige une base légale pour ce faire. Or, non seulement elle n’existe pas, mais il est également peu probable qu’il puisse y en avoir une au regard de la Constitution. C’est pourquoi une telle publication, quelle que soit la plateforme utilisée, doit supprimer les données personnelles de tiers, voire des collaborateurs si leur personnalité est susceptible d’être atteinte. Une alternative est de publier les débats publics, avec les données personnelles, sur une plateforme sécurisée, telle que le Guichet unique/virtuel, mais sans possibilité de téléchargement et avec une suppression après une durée à déterminer.

Par exemple, il n’est pas exclu qu’un groupe demande, en cours de séance, des explications sur un conflit, un dossier, un projet, etc., relatif à une personne précise dont le nom est cité ; de même, à propos d’un éventuel audit d’un service, dont le chef est mis en cause. Certes, ces mêmes noms peuvent être entendus du public présent, mais l’atteinte à la personnalité est limitée. Une publication sur internet rend l’information indélébile ad aeternam et constitue ainsi une atteinte illicite à la personnalité.

Si d’aventure les enregistrements étaient anonymisés, sous réserve du nom des élus (voir ci-après le droit à l’image), la question est régie par l’article 68 CPDT-JUNE :

« Au cours des séances publiques, les prises de vue et de son ou leur retransmission sont autorisées à la condition qu'elles ne perturbent pas le déroulement des débats et qu'elles ne portent pas atteinte à un intérêt prépondérant public ou privé.»

En l’occurrence, l’utilisation de Facebook, YouTube, ou autre produit similaire soulève en plus la question de la perte de maîtrise de l’enregistrement (durée d’accès illimitée aux propos d’élus) et de la récolte des données personnelles d’administrés par ce genre de plateforme.

Certes, l’Assemblée fédérale utilise ce genre de plateforme, mais elle bénéficie tout d’abord d’une base légale prévoyant la diffusion sur internet (voir art. 5 LParl et 14 OParl). Ensuite, elle possède effectivement une chaine YouTube, mais ses vidéos sont également accessibles via son site officiel. Autrement dit, les administrés ont le choix d’accéder aux vidéos sans passer par YouTube. Cette diffusion parallèle est fondamentale. Il faut que les administrés puissent accéder aux informations autrement que par des réseaux sociaux. De plus, le site mentionne une clause de non responsabilité pour les sites externes (à relever que le Tribunal fédéral publie exclusivement sur un site interne).

Quant au Conseil fédéral, ses publications ne constituent pas un débat public au sens de la CPDT-JUNE, mais représentent des informations données à destination du public par divers vecteurs, dont YouTube. Par analogie, un exécutif communal est soumis aux articles 59 et 61 et 65 al. 1 CPDT-JUNE. Au regard de ces règles, l’utilisation exclusive de YouTube, Facebook, ou autre produit similaire violerait les règles de protection des données. Par ailleurs, le Conseil fédéral est conscient du danger du renvoi aux réseaux sociaux, puisque sur la page de ses conditions générales d’utilisation de son site, il explique que :

« Des services de tiers, comme YouTube, Twitter, Google Maps, Google Ads, le moteur de recherche personnalisé Google, Instagram et Bitly, sont intégrés à certains sites de l'administration fédérale. Ces fournisseurs utilisent aussi des témoins. Lorsqu'ils utilisent les sites de l'administration fédérale, les utilisateurs transmettent automatiquement des données à ces fournisseurs. Ces cas de figure sont soumis expressément aux règles de protection des données des fournisseurs concernés. Les utilisateurs doivent alors être conscients que des données peuvent être collectées et transmises à des tiers. Si un utilisateur est simultanément connecté à un compte d'un autre service, les informations transmises peuvent être directement associées à ce compte. L'administration fédérale n'a aucune influence sur la collecte et l'utilisation de ces données. Elle ne sait pas quelle est l'envergure des données enregistrées, où elles sont enregistrées, pendant combien de temps elles le sont, si les éventuelles règles d'effacement sont respectées, quelles évaluations et associations sont effectuées avec ces données ni à qui elles sont transmises. »

Pour plus de détails sur la question des dangers causés par l’utilisation de Facebook, YouTube ou autre produit similaire, voir ce petit reportage, ou celui-ci plus étoffé.

En d’autres termes, l’utilisation de plateformes externes au réseau de l’administration augmente considérablement le risque d’atteinte à la personnalité par l’intermédiaire du profilage des administrés. Ce n’est pas tant l’information transmise par le visionnage de la séance du CG qui est problématique (encore que…), mais bien le fait que lors de ce visionnage, chaque administré se fera « siphonner » ses données personnelles (géolocalisation, sites consultés précédemment, contacts, …).

L’utilisation de ces plateformes peu respectueuses de la personnalité, par les citoyens est néanmoins une réalité. Toutefois, les entités soumises à la CPDT-JUNE ne peuvent « contraindre » quiconque  à utiliser lesdites plateformes pour obtenir des informations « officielles ». Les administrés soucieux du respect de leur personnalité doivent pouvoir y accéder par l’intermédiaire d’une plateforme conforme aux exigences des règles cantonales de la protection des données. C’est pourquoi une diffusion ANONYMISÉE parallèle est juridiquement « tolérable ». En revanche, ça l’est moins éthiquement. Serait-il bien judicieux qu’une commune « encourage » des élèves à aller au McDo, alors que parallèlement des sensibilisations à la « mal bouffe » sont dispensées dans les écoles ? À ce propos, il faut savoir qu’il existe des cours de sensibilisation aux dangers des réseaux sociaux à l’école obligatoire. Par conséquent, il serait bien que les publications des entités soumises à la CPDT-JUNE sur les réseaux sociaux soient accompagnées d’informations claires à propos des dangers y relatifs.

Par ailleurs, le droit à l’image des élus (art. 28 ss CC) paraît devoir imposer un minimum d’informations actives préalables pour une diffusion sur les réseaux sociaux, voire un consentement en l’absence d’une base légale formelle. La protection de la personnalité des élus communaux est plus étendue que celle des élus fédéraux, voire cantonaux.

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