Communication de la liste des élèves d'une confession (2018.2343)
Une école peut-elle communiquer une liste d'élèves établie selon leur confession à l'Eglise reconnue correspondante ?
Avis du PPDT 2018.2343 publié le 29 juin 2018
La réponse n'est pas identique pour les écoles jurassiennes et neuchâteloises. Les premières ne sont pas en droit de communiquer de telles listes, alors que les secondes peuvent le faire si elles sont communales.
Selon l'article 25 CPDT-JUNE, une école n'est en droit de communiquer des données personnelles que s'il existe une base légale ou si l'accomplissement par le destinataire d'une tâche légale clairement définie l'exige.
Quant à l'article 29 CPDT-JUNE, il prévoit qu'il est interdit de communiquer des listes de données sensibles à des tiers, à moins qu'une base légale ne le justifie.
Afin de savoir laquelle de ces deux dispositions est applicable, il faut préalablement déterminer si l'église demandant les données est considérée comme une entité ou un tiers au sens de la CPDT-JUNE. Les conditions pour être considérée comme une entité font l'objet d'une page particulière.
Selon l'article 7 de la Loi concernant les rapports entre les Eglises et I’Etat (RSJU 471.1), les paroisses des Eglises reconnues sont des collectivités de droit public dotées de la personnalité juridique. Elles sont par conséquent des entités soumises à la CPDT-JUNE, conformément à l'art. 2 let. c CPDT-JUNE et de ce fait l'art. 25 CPDT-JUNE est applicable.
La communication de liste d'élèves établie selon leur confession à l'Eglise correspondante n'est pas prévue dans une base légale.
Reste à savoir si cette transmission est nécessaire à l'accomplissement par les Eglises reconnues d'une tâche légale clairement définie. La Loi concernant les rapports entre les Eglises et I’Etat (RSJU 471.1) ne prévoit pas que les Eglises reconnues doivent dispenser un enseignement religieux, en lieu et place de l'Etat. Au contraire, l'article 54 de la Loi sur l'école obligatoire précise que "L’enseignement religieux et catéchétique dispensé par les Eglises ne fait pas partie du programme scolaire" (RSJU 410.11).
Au vu de ce qui précède, les écoles jurassiennes ne sont pas en droit de communiquer aux Eglises reconnues, ou non, une liste d'élèves établie selon leur confession.
L’autorité de surveillance LCPP chargée d’appliquer l’ancienne loi de protection des données avait rendu un avis imposant la pratique suivante :
« Ces données peuvent être communiquées aux Eglises officielles aux conditions suivantes :
L'établissement scolaire ne remet ces données qu'aux Eglises qui dispensent un enseignement religieux;
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L'Eglise ne peut recevoir la liste que des élèves qui appartiennent à sa confession.
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Les établissements scolaires peuvent également ne pas communiquer ces données aux Eglises et se borner à distribuer aux élèves l'invitation aux cours de religion des différentes Eglises.
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Ces données ne peuvent pas être communiquées à des tiers hors des collectivités publiques, par exemple sur la liste de classe distribuée aux élèves et à leurs parents. »
Depuis cet avis, les règles de la protection des données ont évolué deux fois, en 2008 et 2013.
L'article 97 al. 2 de la Constitution neuchâteloise prévoit que l'Etat peut reconnaître des Eglises et d'autres communautés religieuses comme institutions d'intérêt public. L'article 98 de cette même Constitution précise que L'Etat reconnaît l'Eglise réformée évangélique, l'Eglise catholique romaine et l'Eglise catholique chrétienne du canton de Neuchâtel comme des institutions d'intérêt public représentant les traditions chrétiennes du pays.
L'article 2 du Concordat entre l'Etat de Neuchâtel et l'Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel, l'Eglise catholique romaine, l'Eglise catholique chrétienne indique que L'Etat reconnaît le travail d'intérêt général des Eglises reconnues (ci-après: les Eglises) dans les domaines du service social, des aumôneries et de la formation des enfants, des adolescents et des adultes. Les Eglises sont par conséquent des entités soumises à la CPDT-JUNE, conformément à l'art. 2 let. c CPDT-JUNE et de ce fait l'art. 25 CPDT-JUNE est applicable.
L'article 16 dudit Concordat prévoit également que les communes communiquent régulièrement et gratuitement aux Eglises les données concernant les personnes ayant déclaré leur appartenir: nom, prénom, date de naissance, filiation pour les mineurs, état civil, origine, adresse.
Cette disposition constitue une base légale suffisante pour que les écoles communales communiquent une liste d'élèves établie selon leur confession à l'Eglise reconnue correspondante.
En revanche, les écoles cantonales ne bénéficiant pas d'une base légale équivalente. Reste alors à savoir si la communication en cause est nécessaire à l'accomplissement par les Eglises reconnues d'une tâche légale clairement définie. Les articles 2 et 13 dudit Concordat permettent de répondre par l'affirmative. Par contre, sous l'angle du respect du principe de la proportionnalité, cette communication doit porter le moins d'atteinte possible à la personnalité des élèves. Pour ce faire, au lieu de communiquer des listes aux Eglises, il suffit que ces dernières transmettent aux écoles les informations à distribuer aux élèves concernés, telles que les invitations aux cours.